LA TRAITE DES PLANCHES
Au théâtre, il n’y a plus de souffleur. Dans les cinémas, les places sont numérotées. C’est le monde à l’envers. Le Lauréat est devenu une pièce. Anne Parillaud joue Mrs. Robinson. Elle remplace Anne Bancroft. La tâche est rude. Entend-on sur scène la chanson de Simon & Garfunkel (cou-cou-coutchou) ? Le mélange des genres exerce ses ravages. Tout est dans tout. Les Particules élémentaires se sont données à l’Odéon. La Règle du jeu a envahi la Comédie-Française. En attendant Bojangles est adapté sur les planches. La Garçonnière de Billy Wilder s’est métamorphosée en pièce. Les salles aux fauteuils de feutrine rouge offrent leur décor à des one-manshow. Quel cirque ! Les trois coups annoncent des numéros de clown. Le rideau se lève sur des images de film en chair et en os. Le bon sens se révolte devant ces facilités. Mike Nichols, Jean
Renoir se substituent à Molière, à Shakespeare. L’absence d’auteurs se fait cruellement sentir. Heureusement, Florian Zeller continue son bonhomme de chemin (quand votre serviteur ne se surveille pas, un paysan rugueux s’empare de sa plume). Art s’offre une cure de jouvence. Les classiques tiennent le coup. On n’est pas obligé de les interpréter en smoking. Il ne sert à rien non plus d’habiller les comédiens en uniformes de SS. Ces modes datent des années 1970. Elles ont fini par être presque touchantes. Le public n’y croit plus. Il a avalé trop de couleuvres. A Londres, les choses sont différentes. Les gens vont au théâtre comme ils poussent la porte de leur pub favori. Ils assistent aux représentations en buvant de la bière dans des gobelets en plastique. A la sortie, des pousse-pousse les attendent, rangés en épi. On aimerait voir chez nous pareille décontraction. Le théâtre a deux ennemis : la poussière et l’amidon. Un peu d’air, SVP.
L’absence d’auteurs se fait cruellement sentir