UN NOUVEAU REGARD SUR LA COLONISATION
★★★ L’EMPIRE DES SABLES. LA FRANCE AU SAHEL 1860-1960, d’Emmanuel Garnier, Perrin, 400 p., 23 €.
Parler de la colonisation sans clichés, ni anachronismes, ni leçons de morale, c’est le pari réussi par Emmanuel Garnier, directeur de recherche au CNRS. La colonisation du Sahel, rappelle-t-il, n’est pas née d’un mouvement cohérent mais s’est faite progressivement à partir du contexte (évolutif) géopolitique et militaire. Elle ne correspondit pas à la mise en place d’une domination brutale mais fut plutôt le fruit d’un consensus avec les populations locales afin de se défendre face aux nombreux rezzous (pillages) menés par les « pirates des sables ».
Afin de mener à bien sa mission, l’Etat-major français s’appuya sur une multitude d’agents locaux formant un réseau de renseignement digne des plus grands films d’espionnage : pisteurs, chefs de tribu, caravanes, voyageurs… A leurs côtés, des unités spéciales baptisées
« les escadrons blancs », où se côtoyaient métropolitains et autochtones. Problèmes techniques, tensions au sein de l’armée, formations des troupes et du personnel médical, enjeux sanitaires, progrès scientifiques : Emmanuel Garnier énonce les faits avec rigueur. Cela reste le meilleur moyen d’aborder la question coloniale « trop souvent réduite à un sujet de polémique et à un exercice imposé de repentance ».