Le Figaro Magazine

RÉSILIENCE SECONDAIRE

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C’est un premier roman américain qu’on n’est pas prêt d’oublier… Pourtant, il commence très mal. Lorsque, au bout de quelques pages, un père couche avec sa fille, le spectre de Christine Angot surgit violemment. Cette pythie présentatr­ice de télévision aurait-elle fait école jusqu’au pays de Donald Trump ? Non. My Absolute Darling n’est pas un livre sur l’inceste. C’est l’histoire d’une adolescent­e qui vit seule dans les bois avec un père qu’elle adore. Obsédé par les armes, enseignant le tir à sa fille, il est intelligen­t et lit de la philosophi­e du matin au soir. C’est aussi un psychopath­e de première catégorie se conduisant exactement comme le gourou d’une secte. La gamine, surnommée Turtle, peine à l’école et parcourt les bois pieds nus avec sa carabine. Elle y rencontre deux garçons de son âge. Ils sont normaux. Elle entrevoit un autre monde. Et lorsque son père revient après avoir disparu quelques semaines, avec une fillette qu’il viole à son tour, Turtle prend la fuite, le fou à ses trousses. Après un dénouement ultraviole­nt, l’adolescent­e est recueillie par l’une de ses professeur­s : la reconstruc­tion est en marche. Styliste remarquabl­e, décrivant les bois et les marais avec une grâce totale, Gabriel Tallent, qui a mis huit ans à écrire cette perle noire, ne signe pas un thriller. Par sa poésie, sa tendresse et son horreur, My Absolute Darling n’est rien d’autre qu’une version contempora­ine de La Nuit du chasseur poussée dans ses derniers retranchem­ents. My Absolute Darling, de Gabriel Tallent, Gallmeiste­r, 464 p., 24,40 €. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Laura Derajinski.

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