Le Figaro Magazine

MAXIME SAADA, LE HUSSARD DE CANAL+

En coupant le signal de TF1 en raison de son « intransige­ance », le DG de la chaîne cryptée a remis son groupe au centre du jeu.

- • PIERRE DE BOISHUE

On la disait moribonde, abandonnée par ses fans depuis la disparitio­n de son émission phare « Le Grand Journal », critiquée par les nostalgiqu­es de son impertinen­ce d’antan, contestée par la montée en puissance de Netflix dans le domaine de la fiction et de beIN Sports sur le plan des retransmis­sions sportives… Mais il ne faut jamais enterrer trop vite Canal+. Sous l’impulsion de son directeur général, Maxime Saada, le groupe a su démontrer son influence et son pouvoir à l’occasion du conflit qui l’oppose à la toute-puissante TF1. En cause : « l’intransige­ance » de l’entreprise présidée par Gilles Pélisson qui a décidé de faire payer les opérateurs pour diffuser ses chaînes (TF1, TMC, TFX, TF1 Séries Films, LCI et MYTF1). Une décision inacceptab­le pour le successeur de Rodolphe Belmer depuis 2015. Cet homme discret de 47 ans, diplômé de l’IEP de Paris et de HEC, a immédiatem­ent tapé du poing sur la table en coupant le signal de ses anciens « alliés » en dépit des conséquenc­es de cette mesure. Au total : pas moins de 5,8 millions de foyers concernés. « On ne remettra pas le signal tant qu’on n’aura pas d’accord ! On ne veut pas être le premier acteur à payer pour du gratuit. C’est une question de principe », a-t-il tonné sur Europe 1, au grand dam de TF1 qui a aussitôt enregistré une perte d’audience inédite. Son divertisse­ment à succès « The Voice » ? Quelque 930 000 fidèles évaporés en une semaine. Son « 20 heures » ? Seulement 22,5 % de part d’audience, lundi dernier, contre 24,3 % à l’édition d’Anne-Sophie Lapix sur France 2. Faute d’un accord, sollicité par le CSA, nul doute que les « Enfoirés », diffusés ce vendredi soir, subiront leur pire score depuis longtemps.

Non content de se positionne­r au centre du jeu, le groupe Canal+ s’est même offert le luxe de renouer avec son côté « précurseur » dans cette guerre commercial­e sans pitié. Car, face aux revendicat­ions, Free et Orange lui ont emboîté le pas en menaçant TF1 de lui réserver le même sort si elle s’évertuait à réclamer quelque 20 millions d’euros au premier (somme proche de celle demandée à Canal+) et 30 millions au second. On le voit : quel que soit le dénouement, Maxime Saada et ses troupes auront fait « turbuler » le PAF. Et ce, malgré un contexte difficile pour la chaîne cryptée si l’on en juge par les chiffres décevants obtenus en 2017 (1,2 % de part d’audience, soit une baisse de 0,5 point). Un bilan qui cache néanmoins de belles réussites. Après un démarrage difficile, « L’Info du vrai » présentée par Yves Calvi s’impose désormais comme la séduisante « vitrine » de la grille. Canal+, qui a réalisé 11,4 % de part d’audience avec la cérémonie des César, demeure également « la chaîne du cinéma et de la fiction ». Pour preuve, elle conserve les droits de diffusion du Festival de Cannes pour encore deux saisons. Le rideau est loin d’être tombé…

 ??  ?? Nommé directeur général du groupe Canal+ en 2015, le successeur de Rodolphe Belmer n’a pas hésité à défier la toutepuiss­ante TF1. Quitte à faire « turbuler » le paysage audiovisue­l.
Nommé directeur général du groupe Canal+ en 2015, le successeur de Rodolphe Belmer n’a pas hésité à défier la toutepuiss­ante TF1. Quitte à faire « turbuler » le paysage audiovisue­l.

Newspapers in French

Newspapers from France