Le Figaro Magazine

CAVE CANEM !

-

CHER SAMUEL BENCHETRIT, c’est ballot : si vous aviez sorti votre Chien quelques mois plus tôt que le 14 mars prochain, vous auriez sûrement été récompensé par un césar la semaine dernière. Pensez : un film qui interroge sur la place de l’homme dans l’injuste et odieuse société contempora­ine où il n’est pas rare qu’on existe SANS MÊME QUE LES AUTRES LE REMARQUENT. Un film où le comédien le plus sollicité dans le cinéma d’auteur français et le plus encensé par la critique depuis dix ans, Vincent Macaigne (il est vrai talentueux), devient chien. Un film qu’on devine placé sous les auspices de Kafka (La Métamorpho­se) et Boulgakov (Coeur de chien). Un film qui dénonce à la fois la cruauté des hommes sur les bêtes mais qui laisse (pas très finement) entendre que l’homme est sans doute encore plus bête (au sens propre et au sens figuré) que les bêtes. Un film auquel Vanessa Paradis apporte sa caution alors qu’elle ne joue que deux scènes dans lesquelles elle parle en se grattant mollement (elle est devenue allergique à son mari, ouarf, ouarf). Un film dont le héros se fait salement larguer par sa femme, puis par son banquier, puis par son patron (pour avoir regardé sur l’ordinateur de son lieu de travail si certaine race de chien ressemblai­t effectivem­ent à Adolf Hitler, voyez le genre). Un film où le même héros à deux jambes puis quatre pattes porte un pull jacquard ringard, vit entre une chambre de motel sordide, les rives de la Seine noyées dans la fumée d’usines et le parking d’une grande surface dans une ZI, transporte une niche en mousse rouge et semble accepter sa condition d’humilié et d’offensé, suscitant par là empathie et pitié du spectateur. Un film démonstrat­if, dont l’humour grinçant tombe souvent à plat, où les silences sont supposés faire progresser la narration et dont vous dites vous-même, Samuel Benchetrit, qu’« il parle à sa manière de fascisme ».

Oui, vraiment, ce film aurait eu toute sa place lors de la grand-messe gratuite, laïque et quasi obligatoir­e des si bien pensants et intellectu­alisants césars. Post-apostrophu­m : non, tout chien qu’il soit devenu, Vincent Macaigne n’est pas montré en train de remuer la queue.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France