Le Figaro Magazine

À PAÏEN, PAÏEN ET DEMI

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L’événement déterminan­t de ma petite enfance est le fait que mes yeux se sont ouverts sur une civilisati­on dégradée, et que j’en ai souffert, et que j’ai senti d’instinct qu’elle était pourrie jusqu’à la moelle et sans aucun avenir. Je ne l’oublierai pas. » Cette phrase pourrait résumer toute la vie de François Augiéras, né aux Etats-Unis, et qui, après une petite enfance à Paris qu’il abhorre, file avec sa mère veuve à Périgueux. Où il rejoint bientôt divers groupes de jeunesse clamant le « retour à la terre » de Pétain. Augiéras n’est pas comme ses camarades. Il a lu Nietzsche et Rimbaud. Il est exalté, obsédé par sa virginité de peur de « perdre ses forces », rêve de « néopaganis­me » («Avec la puberté un flot de vitalité soudain me grise : changer de religion sera la grande entreprise de mon adolescenc­e »), puis rejoint l’armée pour gagner Alger et foncer dans le Sahara rejoindre le frère de son défunt père, un vieillard. C’est un « barbare d’Occident » qui couche avec son oncle et les petits Arabes du coin. Il écrit un premier texte qui, évidemment, plaît beaucoup à Gide. Ils se rencontren­t, se perdent. Augiéras repart dans le Sahara, revient au Périgord, habite avec un « ami » une maison troglodyti­que. Tout l’émerveille. C’est un néopaïen ravi de la crèche dès qu’il est loin de l’Occident. Plus tard, il couchera avec des animaux, vivra seul en ermite dans une grotte ou séjournera au mont Athos. Puis mourra d’épuisement en 1971 avant de devenir « culte ». A son lyrisme grandiloqu­ent, on peut préférer l’humilité d’un autre grand vagabond de la même époque, Patrick Leigh Fermor.

Une adolescenc­e au temps du Maréchal, de François Augiéras, Omnia/ Bartillat, 364 p., 12 €.

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