L’AMI DOSTOÏEVSKI

LE JARDIN DES COSAQUES, de Jan Brokken, La Librairie Vuibert, 384 p., 24,90 €. Traduit du néerlandais par Mireille Cohendy.

Samedi 22 décembre 1849, Saint-Pétersbourg : condamné à mort comme tous ses camarades du groupe Petrachevski, Dostoïevski croit sa dernière heure arrivée quand un ordre du redoutable Nicolas Ier commue l’exécution en travaux forcés. Un élève du lycée impérial assiste, bouleversé, à l’odieuse mise en scène. Cinq ans plus tard, nommé officier de justice à Semipalatinsk, Alexandre Wrangel recroise la route de l’écrivain. Libre, mais plus seul que jamais dans la garnison où il sert comme simple soldat, quand il ne passe pas ses nuits sur ses Souvenirs de la maison des morts, « Fiodor » s’attache aussitôt l’intérêt du jeune procureur. Quel meilleur endroit pour lier connaissance qu’une médiocre bourgade sibérienne ? Une confortable datcha, en lisière de la steppe kirghize, sera l’écrin de l’amitié naissante. Une complicité évoquée au plus près, dans ces pages si foisonnantes de détails qu’on pourrait croire à une vie romancée de plus. Eh bien non. Rien d’inventé dans ce récit fougueux et néanmoins parfaitement documenté. L’auteur précise d’ailleurs en préface la dette que son Jardin des cosaques doit aux Mémoires du baron balte ainsi qu’à sa correspondance avec l’auteur de Crime et Châtiment. Wrangel devait survivre trente-quatre ans à son illustre complice. Il eut une fin d’homme de lettres : une hémorragie cérébrale, alors qu’il cherchait à quatre pattes le capuchon de son stylo tombé par terre…