138 Le bloc-notes de Philippe Bouvard
Il faut croire que le « plan climat » adopté l’été dernier pour lutter contre le réchauffement de la planète a bien fonctionné puisque les opposants de droite sont en grand froid tandis que les météorologues et assimilés n’en finissent plus de sortir le « manteau blanc » du vestiaire des métaphores infantiles où au XVIIe siècle un moine bénédictin avait accroché pour la première fois son « blanc-manteau ». Ainsi, avant même que ne s’achève une décennie ayant permis de battre le record de canicule établi en 1900, pouvons-nous espérer ou redouter (tout dépend de ce que l’on vend) un maximum de froidure comme on disait à l’époque où les fourrures protégeaient les femmes sans assassiner la nature. Hubert Reeves pensait peut-être à la fois aux élégantes et à Bachar el-Assad lorsqu’il écrivait :
« Les êtres humains ont tué à peu près la moitié des espèces vivantes. » Parallèlement, le déficit pluviométrique observé en 2016 et en 2017 a été résorbé beaucoup plus rapidement que la dette publique. Aujourd’hui, où l’on a un peu honte de relever des températures sous abri tellement il y a de sans-toit et où le soleil lorsqu’il brille n’empêche pas de claquer des dents, aucun humoriste n’a osé noter qu’il faisait – 4 au Touquet comme faubourg Saint-Honoré. On comprend mieux – sans l’approuver vraiment – le négationnisme thermique de Donald Trump quand on se remémore les dernières tempêtes de neige sur Washington.
On est tenté de penser qu’Emmanuel Ier s’est inspiré de Charles X, dernier monarque de la Restauration qui décida de se passer des suffrages de députés pour supprimer la liberté de la presse et dissoudre l’Assemblée. Le grand Charles luimême ne se contentait pas des services de son cher Bonneval puisqu’il utilisa les ordonnances pour les besoins de la guerre en Algérie et la création de l’ANPE. En revanche, il fut le premier de nos présidents à reconnaître la République populaire de Chine en négligeant le catastrophisme qui, à la fin du XIXe siècle, prédisait déjà la mainmise de l’empire du Milieu sur l’économie mondiale. Eh bien, le péril jaune est de retour en même temps que le manteau blanc. Au début, on se réjouissait de voir les touristes chinois prendre d’assaut nos boutiques de luxe. Quand, en plus de faire la razzia sur les sacs à main et les parfums, ils ont racheté une partie du vignoble bordelais, le Club Med et nos aéroports, nous nous sommes souvenus de la prophétie dont Alain Peyrefitte avait fait un best-seller. Il y a gros à parier que la Chine ne se rendormira plus et que nous aurons infiniment de peine à expliquer à son dirigeant, au pouvoir désormais jusqu’à la fin de sa vie, que de lui vendre moyennant quelques milliards une plate-forme aérienne capable d’accueillir plusieurs millions de Chinois est à terme un marché de dupes qui ferait encore baisser le niveau de notre commerce extérieur. Donc, bienvenue aux investisseurs français si l’activisme de M. Macron ne leur fait pas peur et s’ils n’ont pas éloigné sans arrière-pensée de repentir leurs capitaux de Bercy. Il nous restera, pour remplir les colonnes de nos gazettes, les notables marrons ayant réussi à placer leurs bons résultats à l’étranger et leurs mauvais instincts en France. Plus durablement pour les seconds que pour les premiers puisqu’il n’est pas rare qu’il faille attendre parfois trente années pour que, dans un village où chacun est censé épier ses voisins, transpirent le viol, l’inceste et la pédophilie. Comme si, au siècle de la transparence, il était encore possible de tout cacher derrière les rideaux de la vie de famille et les paravents de la vie associative. Si l’ADN fait bien son boulot, on n’aura plus besoin d’exhumer les vielles affaires (Seznec battant de soixante ans le petit Grégory !), la manne quotidienne proposée par une actualité dont les épisodes pas seulement neigeux suffira.
La SNCF qui a renoncé au charbon depuis la Lison va également nous donner du grain à moudre. A défaut de LGV et grâce aux pimpantes tours de contrôle substituées aux préhistoriques postes d’aiguillages, elle s’apprête à changer de direction mais pas forcément de président. Puis-je profiter de l’occasion pour réclamer une refonte du statut des journalistes ? Un dossier facile à traiter. Encore que, dans une première vie, l’actuelle ministre de la Culture, dont le titre n’indique pas qu’elle régente aussi la Communication, a fait ses choux gras avec des milliers de livres plutôt qu’avec des millions de journaux. Françoise Nyssen dont c’est l’année faste (son ancienne entreprise n’a-t-elle pas obtenu le dernier prix Goncourt ?) n’aura qu’à se reporter aux années 50. Sous sa houlette, les journalistes auxquels on fait porter tant de chapeaux taillés pour d’autres têtes pourraient retrouver des salaires qu’amputaient très peu les impôts, à peine la CSG, pas du tout la rançon qu’acquittent les travailleurs indépendants. Moyennant quoi, ils bénéficiaient de notes de frais au fil desquelles ils déployaient souvent plus d’imagination que dans leurs articles, du luxe de voir leur nom s’étaler en gros caractères et de la considération générale. Je suis prêt à témoigner.
Il y a gros à parier que la Chine ne se rendormira plus