ENTREPRISES : LA REVANCHE DES LITTÉRAIRES
Pour la sixième année consécutive, « Le Figaro Magazine » publie le classement des leaders économiques de moins de 40 ans, réalisé par l’Institut Choiseul. Surprise : les profils littéraires y ont de plus en plus leur place.
On
se bouscule pour y entrer. Lancé en 2013 et publié par Le Figaro Magazine chaque année, le classement Choiseul est une bible pour ceux qui veulent découvrir les talents les plus prometteurs de l’économie française. Pour en faire partie, il faut avoir moins de 40 ans, un pedigree de pur-sang, un parcours exceptionnel derrière soi et - faut-il le préciser ? présenter toutes les qualités humaines et professionnelles d’un leader du XXIe siècle. Autant dire que les heureux élus de ce classement élitiste, sélectionnés au terme d’un processus rigoureux par une équipe d’experts rassemblés par l’Institut Choiseul, sont des moutons à cinq pattes que les entreprises s’arrachent.
Cette année, nous avons décidé de nous intéresser plus particulièrement aux profils « littéraires » figurant dans ce palmarès. Et ce n’est pas seulement parce qu’Emmanuel Macron, qui fut numéro 1 du classement deux années de suite (« C’est bien la preuve que nos choix sont pertinents », se félicite Pascal Lorot, président de l’Institut Choiseul), a un goût prononcé pour la philosophie, la littérature, et même le théâtre comme il l’a encore récemment montré en montant sur les planches à l’occasion d’une représentation de Pierre et le loup à l’Elysée ! Ni parce que son épouse, Brigitte Macron, est →
→ capable de citer Aristote dans le texte en accueillant les pandas chinois au zoo de Beauval ; ou que le Premier ministre Edouard Philippe s’est dévoilé l’été dernier dans un livre au titre révélateur : Des hommes qui lisent (JC Lattès)… Dans les entreprises, qui oserait dire aujourd’hui que les forts en thème n’ont pas accès aux postes à responsabilités ? C’est même tout le contraire : les littéraires, discrètement, prennent leur revanche. Hier boudés, on se les arrache jusque dans les plus grands groupes du CAC 40 où leur profil « différent » apparaît comme une vraie richesse.
« La hiérarchie des compétences, compte tenu de l’accélération très rapide du progrès scientifique, nous réserve des surprises pour l’avenir », prédit Julika Courtade-Gross, 34 ans, secrétaire générale et membre depuis deux ans du comex (12 membres) de Siemens France qu’elle a rejoint après un passage à la direction générale du Trésor. Le groupe Siemens compte 378 000 salariés dans le monde… et seulement deux énarques, dont elle ! « Quelles seront les compétences clés de demain ? Il y a cinq ans, on disait encore que tout le monde devrait savoir programmer. Mais demain, quelle sera la valeur ajoutée du meilleur des ingénieurs face à l’intelligence artificielle ? N’aurat-on pas davantage besoin de gens qui sachent sentir les évolutions, s’adapter aux situations nouvelles, inventer des choses et pas seulement les reproduire - ce que fera très bien l’intelligence artificielle ? Il n’est pas certain que des machines sachent écrire des poèmes ou créer de l’émotion », prévient Julika qui, outre Sciences-Po et l’ENA, a complété sa formation par une licence de philosophie, sa vraie passion.
Figurant à la sixième place du classement, Maud Bailly, 39 ans, est elle aussi énarque (Inspection des finances). Sa passion à elle, c’est la littérature : depuis son adolescence, elle ne jure que par Albert Camus, René Char, Apollinaire… C’est donc tout naturellement qu’elle s’est tournée vers Normale Sup après un bac L et ses classes préparatoires au lycée Fénelon. « Quand j’ai besoin de faire une vraie coupure, je reviens toujours à la même chose : la lecture ! C’est la meilleure façon de retrouver ma faculté de penser », explique-t-elle. Autre figure du classement Choiseul, Bertrand Picard, 37 ans (Essec), PDG de Natural Grass, partage cette même passion pour les livres. « Je passe une grande partie de ma vie dans les bouquins. Cela me sort de mon quotidien d’entrepreneur. J’aime particulièrement les romans historiques car ils permettent de mettre les choses en perspective. Cela donne de l’assurance pour aller vers le futur », explique celui qui a fondé son entreprise en 2009 pour commercialiser les surfaces herbeuses innovantes inventées par son père, ingénieur de formation : offrant le confort du gazon naturel et la résistance des sols synthétiques, elles équipent aujourd’hui des stades olympiques, des terrains de football ou des tours végétalisées dans le monde entier. →
LEURS RÉFÉRENCES : CAMUS, ZOLA, RENÉ CHAR...