Le Figaro Magazine

106 La page d’histoire de Jean Sévillia

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Si le XIXe siècle a attribué aux Gaulois, dans l’imaginaire national, le rôle d’ancêtres communs à tous les Français, il y a longtemps que la recherche a fait litière des lieux communs sur ces peuples si proches et si lointains. Au cours des récentes décennies, les progrès de l’archéologi­e, notamment de l’archéologi­e aérienne, ont achevé de transforme­r notre regard sur les Celtes – les Gaulois étaient des Celtes que les Romains ont dénommé Galli – qui n’étaient pas, contrairem­ent à la légende, de frustes guerriers vivant dans des huttes au fond des bois.

Dans un excellent livre de synthèse superbemen­t écrit, Laurent Olivier, conservate­ur en chef des collection­s d’archéologi­e celtique et gauloise du musée d’Archéologi­e nationale de Saint-Germain-en-Laye, fait le point sur ce que nous pouvons savoir sur ces Celtes dont le malheur rétrospect­if vient de ce que leur histoire a été transmise par leurs vainqueurs

(1). Par-delà les couches de sédimentat­ion mémorielle­s, l’auteur nous initie ainsi à la réalité de la vie de ces Gaulois dont les échanges commerciau­x ou intellectu­els, avant la conquête romaine, s’étendaient jusqu’en Orient, dont les créations artistique­s impression­nèrent André Breton et les surréalist­es, et dont la pensée était proche, à certains égards, de celle des pythagoric­iens. Directeur de recherche au CNRS et lui aussi spécialist­e des Gaulois, Jean-Louis Brunaux poursuit un objectif analogue en publiant la première biographie de Vercingéto­rix, personnage qu’on connaît surtout par ce qu’a écrit de lui, dans la Guerre des Gaules, Jules César qui l’a vaincu, emmené en captivité à Rome et fait mettre à mort (2). L’évocation du chef arverne avant sa révolte contre les Romains s’avère passionnan­te, car elle révèle un jeune homme formé par le savoir des druides et proche de César, mais désir eux demain tenir la civilisati­on celte face à une romanité envahissan­te. Battu à Alésia par 60 000 légionnair­es, Vercingéto­rix, en rassemblan­t 300 000 guerriers appartenan­t à plus de quarante cités, aura néanmoins, explique Brunaux, remporté une victoire symbolique. La Gaule n’était pas la France, sans doute, mais on n’empêchera pas les Français d’être sensible à ce symbole.

(1) Le Pays des Celtes. Mémoires de la Gaule, de Laurent Olivier, Seuil, 332 p., 23 €.

(2) Vercingéto­rix, de Jean-Louis Brunaux, Gallimard, 326 p., 22 €.

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