104 Le théâtre de Philippe Tesson
La voilà enfin, la fameuse adaptation théâtrale de ce Lauréat, le film qui rendit célèbre Dustin Hoffman dans les années 1960, et qu’on attend depuis cinquante ans ! On n’ira pas par quatre chemins, c’est épatant. Si vous êtes en quête d’un divertissement facile mais de qualité, intelligent, consensuel, réservez sans attendre. Rendons d’abord au film ce qu’on lui doit. Il y avait quand même dans l’Amérique des années 1960 une liberté, une franchise, une gaieté extraordinaires, dont d’ailleurs tout le cinéma de cette époque rend compte. C’est cet esprit qui inondait le film Le Lauréat, et il faut reconnaître que la pièce lui est fidèle. Saluons à ce propos la version française de Christopher Thompson. Son dialogue est formidable de nervosité et de drôlerie. Il y a une audace folle dans l’histoire cocasse de cette opération de déniaisement menée sur un jeune puceau par une « cougar » névrosée, mais une audace saine et comique, et l’on sait gré aux adaptateurs d’avoir résisté non seulement aux tentations de la vulgarité mais en même temps aux dérives idéologiques. Ce qui nous a intéressés dans cette pièce, ce n’est pas vraiment le soi-disant écho prémonitoire qu’elle donne à l’émancipation de la femme, c’est son humeur joyeuse, sa sincérité, sa vérité pour tout dire. Mrs. Robinson libère ses instincts libidineux avec un naturel désarmant, à l’instar de tous les gens qui l’entourent, qui sont autant de reflets archétypiques savoureux de la société américaine. Tout ce monde-là est un peu dingue, il y a de la comédie bouffe dans ce vaudeville à l’américaine. Le héros de la farce, le jeune Benjamin, n’est-il pas à beaucoup d’égards un sujet psychiatrique, contaminé par son environnement social et psychologique ? Que cherche-t-il d’autre à faire que de fuir, partir, pour rencontrer des « gens normaux » ? Il y a dans le jeu d’Arthur Fenwick quelque chose qui suggère très judicieusement cette valeur ajoutée de désordre mental. Ce qu’il donne à voir de luimême est exceptionnel : un mélange de charme et d’intelligence. Il est formidable, il va si l’on peut dire au-delà de son personnage. La réussite de la soirée tient pour beaucoup à la qualité totale du spectacle, au mariage de la pièce et du spectacle. La production est en effet parfaitement aboutie. La mise en scène de Stéphane Cottin ? Simple et habile, comme le décor de Catherine Bluwal et du même Cottin, où circulent autour d’Anne Parillaud et d’Arthur Fenwick quatre acteurs éprouvés : Marc Fayet, Françoise Lépine, Jean-Michel Lahmi et Adèle Bernier. L’accompagnement musical a beaucoup de charme. Charme et joie : les mots clés de ce Lauréat. Le Lauréat, adapté par Terry Johnson. Mise en scène de Stéphane Cottin. Avec Anne Parillaud, Arthur Fenwick… Théâtre Montparnasse (01.43.22.77.74).
Il y a une audace saine et comique dans cette histoire