Le Figaro Magazine

En vue : duo familial d’enfer

Mère et fils à la ville, la scénariste Natalie Carter et l’écrivain Nicolas d’Estienne d’Orves ont coécrit un thriller promis au succès.

- • MARIE ROGATIEN

Si, si, il y a Mary Higgins Clark et sa fille ! » On ne sait qui, de Natalie Carter ou de Nicolas d’Estienne d’Orves, a parlé. Dans le salon de celui-ci, assis par terre, côte à côte, les joues empourprée­s par un feu de cheminée, la mère et le fils évoquent à voix haute la rareté des tandems littéraire­s parent-enfant. Et se souviennen­t comment est né le leur. « J’avais demandé à Nicolas de m’aider à écrire un scénario sur la vie d’Arletty pour le réalisateu­r Paul Verhoeven, raconte Natalie Carter, et cela s’est si bien passé que nous avons eu envie d’un projet à nous. » Et la scénariste francoamér­icaine réputée (elle a travaillé pour Claude Miller, Brian De Palma, Barbet Schroeder, Nicole Garcia, Philippe Lioret…) de décider, avec son fiston, dit NEO, Parisien de coeur, critique d’opéra, écrivain (Othon ou l’Aurore immobile, Dictionnai­re amoureux de Paris, Les Orphelins du mal, La Gloire des maudits et une bonne vingtaine d’autres livres), de perpétrer un consistant thriller psychologi­que à quatre mains.

Le titre ? Le Silence et la Fureur. L’histoire ? Max King, pianiste célébré dans le monde entier, ne peut plus ni jouer ni écouter de la musique sans ressentir une souffrance insupporta­ble depuis « l’accident », survenu dix ans plus tôt. Sa femme Fiona et son fils Luke sont partis il y a longtemps et Max vit reclus sur une île perdue de l’Ontario avec sa fidèle gouvernant­e pour seule compagnie. Jusqu’au retour de Luke qui dit venir aider son père à guérir. Vraiment ? Ambiance noire, rythme endiablé et suspense asphyxiant : dans quel cerveau machiavéli­que a germé cette intrigue ? NEO : « On a eu l’idée ensemble en s’inspirant de Glenn Gould. Un musicien génial, plein de mystère… » « Et totalement cinglé ! » complète Natalie. Une fois le sujet trouvé, ils ont bâti ensemble un plan détaillé. « Cela ne m’a pas beaucoup changé : je montre toujours les plans de mes livres à maman, pour avoir son avis de scénariste », confie Nicolas. Ensuite, mère et fils d’encre se sont réparti les tâches. « Maman s’est occupée des chapitres où ce sont les voix intérieure­s et la psychologi­e des personnage­s qui se font jour. C’est essentiel, la crédibilit­é psychologi­que des personnage­s ! »

explique-t-il, la voix pleine de reconnaiss­ance, avant que Natalie ajoute : « Nicolas a écrit les passages du narrateur principal et a pensé les décors et l’ambiance. Il est très bon dialoguist­e. »

Chacun chez soi sur les deux rives de la Seine, ils commencent enfin à écrire : « Maman en faisant ses 14 scénarios, comme d’habitude ! Et moi en finissant mon dernier roman, La Gloire des maudits », précise Nicolas. Au bout d’un an, en juillet 2017, ils s’enferment chacun à l’étage d’une maison sur une île canadienne – propriété de la famille Carter depuis 1860 – afin de mettre un point final à leur petite entreprise. Une coloc aussi studieuse que joyeuse : « A midi et demi, je recevais un texto en guise de rappel à l’ordre de Nicolas : “Chapitre !…” » « Tu oublies les textos : “Biches !” » la coupe Nicolas. Elle éclate de rire : « C’est vrai ! Nous avions la même vue sur le Saint-Laurent et dès que des biches passaient devant nos fenêtres, il m’alertait. » Et de s’envoyer ensuite le chapitre pour relectures et correction­s croisées. « On s’amendait mutuelleme­nt en veillant à respecter le style et le travail de l’autre. Puis au déjeuner, nous en parlions au milieu des autres membres de la famille qui ne comprenaie­nt rien. C’était comme un jeu. Ensuite, nous marchions pendant une heure trente, échangions de nouvelles idées… On doit avoir les mêmes obsessions ! » relate Natalie. « Bref, une relation profession­nelle entre coauteurs », résume Nicolas. La mère sursaute : « Ah non, je ne suis pas d’accord, c’est plus que cela ! » « Il est vrai que je comprends même ce que tu ne dis pas », soupire le fils.

Le manuscrit terminé et validé par ce drôle de couple, tout s’enchaîne : ils le présentent à Bernard Fixot qui, enthousias­te, décide aussitôt de le publier. Aujourd’hui, Natalie concède : « Au départ, je voulais que nous écrivions un scénario ; pas un roman, qui est quelque chose d’intime. J’avais peur que cela abîme notre relation. Maintenant, j’en suis très fière et très heureuse. » « Moi aussi et j’espère qu’on recommence­ra », approuve Nicolas.

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et la fureur (XO, 368 p., 19,90 €) est le premier thriller écrit à quatre mains (avec sa mère, Natalie Carter) par Nicolas d’Estienne d’Orves. Il est aussi l’auteur d’essais et de nouvelles (regroupées dans Narcisse et moi, à paraître au...
Le Silence et la fureur (XO, 368 p., 19,90 €) est le premier thriller écrit à quatre mains (avec sa mère, Natalie Carter) par Nicolas d’Estienne d’Orves. Il est aussi l’auteur d’essais et de nouvelles (regroupées dans Narcisse et moi, à paraître au...

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