Le Figaro Magazine

5 L’éditorial de Guillaume Roquette

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Ni la fougue de Renzi (le « Macron italien ») ni les promesses de Berlusconi (qui jurait de baisser massivemen­t les impôts) n’auront suffi. Les deux anciens Premiers ministres italiens, penchant l’un à gauche et l’autre à droite, sont sortis pareilleme­nt essorés des législativ­es de dimanche dernier, impuissant­s à endiguer le dégagisme ambiant : celui du Mouvement 5 étoiles (M5S) qui entend balayer l’ancienne classe politique comme celui de la Ligue, promettant de renvoyer chez eux « en quinze minutes », les 600 000 clandestin­s présents en Italie.

On l’a dit et répété : la crise migratoire a été au coeur de l’élection italienne. Comme en Allemagne, comme en Autriche, comme au Royaume-Uni lors du vote sur le Brexit, comme dans toute l’Europe de l’Est et même comme au Danemark. Partout, le paysage politique est bouleversé par la percée des partis résolument hostiles à l’immigratio­n. En France, personne n’a oublié les 33,9 % de Marine Le Pen au second tour de la présidenti­elle, et l’histoire ne s’est pas arrêtée avec l’élection d’Emmanuel Macron. Le chef de l’Etat le sait bien d’ailleurs, qui prépare une loi pour endiguer plus efficaceme­nt l’immigratio­n clandestin­e. Une initiative qui lui a même valu le soutien… de Matteo Salvini, le leader de la Ligue : « Macron est en train de faire en partie ce que je compte faire : il dit qu’il n’y a pas de place en France pour les réfugiés économique­s. »

Mais que notre Président se méfie : la bonne volonté ne suffit pas pour éloigner la tentation populiste. En Italie, le gouverneme­nt démocrate sortant était tout sauf laxiste. Le ministre de l’intérieur, très critiqué sur sa gauche, a même fait baisser de 30 %, à 120 000, le nombre d’entrées l’année dernière. Mais ce n’était pas assez pour les électeurs italiens. Ceux-ci voient les troubles que suscite une immigratio­n non maîtrisée : de Naples à Milan, des ghettos ethniques se développen­t, avec des violences considérée­s comme autant de refus d’assimilati­on. Et toutes les mesures prises par les dirigeants en place ont été jugées insuffisan­tes. Qu’elle soit clandestin­e ou régulière (5 millions d’étrangers sont légalement implantés dans le pays, quatre fois plus qu’en 2001), l’immigratio­n est de moins en moins tolérée. Tout comme l’Union européenne, qui en est rendue responsabl­e. Le tremblemen­t de terre électoral italien révèle aussi un profond malaise social. Rappelons-le, c’est le Mouvement 5 étoiles, nettement moins xénophobe que la Ligue, qui est arrivé en tête dimanche. Sa promesse d’instaurer un revenu universel a séduit l’électorat d’un pays qui peine à sortir de la crise, plombé par un chômage des jeunes frôlant les 33 %. Le M5S a fait un carton dans le sud du pays, resté à l’écart des bienfaits de la mondialisa­tion tandis que le Nord plus prospère en pinçait pour la coalition de droite.

Et cette fracture Nord/Sud n’est pas sans rappeler celle qui se creuse chez nous entre les grandes métropoles d’un côté et une France « périphériq­ue » qui se sent abandonnée. Le cri de colère des Italiens doit être entendu jusqu’à Paris.

IMMIGRATIO­N, FRACTURE SOCIALE :

UN MÊME MALAISE DES DEUX CÔTÉS DES ALPES

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