LA TÊTE DANS LES LIVRES

UN DÉBUT LOIN DE LA VIE, d’André Blanchard, Le Dilettante, 319 p., 20 €.

Durant sa courte existence – il nous a quittés en 2014 alors qu’il avait 63 ans –, André Blanchard n’a eu qu’un seul phare : la littérature. Dans ses rares carnets, publiés par Le Dilettante, l’ermite de Vesoul racontait sa vie silencieuse par le prisme de ses lectures. Son fidèle éditeur est allé déterrer deux inédits exceptionnels, d’autant que selon le patron de la maison, il n’y en aura pas d’autres. Un premier texte, dense et poétique (Ex-voto), charrie comme un fleuve, ou plutôt une rivière, le rapport de Blanchard à la lecture. C’est superbe, et à l’image de l’écrivain, d’une douce intelligence. Plus loin, dans des carnets inédits, le lecteur découvre, fasciné, la jeunesse de l’écrivain. Dans ce journal tenu entre 1978 et 1986, Blanchard parle plus des livres que de sa vie. Il est pion à Besançon, et lit ce que ses maigres moyens lui permettent d’acheter : c’est dans le plus grand désordre qu’il partira à l’assaut des journaux de Paul Léautaud ou de Julien Green, lorsqu’il peut se payer un volume d’occasion ou lorsque sa compagne lui offre un livre pour son anniversaire. « Mon plaisir à lire un livre a été contrebalancé par le coup de massue qu’y a récolté ma présomption à écrire », consigne-t-il, avec sa simplicité et sa modestie habituelles. Défilent alors, tandis que sa surdité s’installe, ses maîtres, si joliment défendus : Montherlant, Flaubert, Sénèque et les Stoïciens, le Précis de décomposition de Cioran, Nietzsche, Mauriac, Bernanos, Jean Colin d’Amiens, Proust, et évidemment Léautaud, celui auquel il fait le plus penser : comme lui, Blanchard aura passé sa vie à se demander comment il faut écrire…