LE CROWDFUNDING, MÈRE DE LA NOUVELLE HORLOGERIE
Beaucoup de marques naissent sur des plates-formes en ligne de financement participatif. Une méthode qui apporte des fonds, de la visibilité, mais recèle aussi des pièges.
Ce qui était une curiosité de la nouvelle économie, un outil innovant pour entrepreneur rêveur, est devenu un véritable phénomène. Plus un jour ne passe sans le lancement d’une campagne de financement participatif, et le secteur de l’horlogerie, pourtant réputé frileux sur le terrain dématérialisé du web, n’y coupe pas. Rien qu’en Suisse, une centaine de projets ont été lancés ces douze derniers mois. Les marques Triton, ZRC, Klynt, Baltic, Laventure, Bolido, Montfort, Klokers, Code41, Czapek ou Horage, pour n’en citer que quelquesunes, ont été attirées autant par la promesse de fonds rapidement récoltés – via des clients qui préachètent en ligne –, que par l’immense caisse de résonance qu’offre, par exemple, Kickstarter. Une plateforme, la plus grande au monde, dont il ne faut cependant pas abuser. Basée à Annecy (même si ses montres sont « Suisse Made »), la marque Klokers fait figure de championne de sa catégorie dans la course au financement alternatif. Ses deux campagnes mondiales, en 2015 sur Kickstarter et 2017 sur Indiegogo, lui ont permis de rassembler 600 000 € et 500 000 € en précommandes. « Cela nécessite des ingrédients bien précis sur ce créneau, explique le cofondateur Richard Piras. C’est-à-dire un prix abordable (de 150 à 380 €) et un concept bien ficelé. Nous avons aujourd’hui 10 000 abonnés à notre newsletter. »
« SE CONFRONTER DIRECTEMENT AU MARCHÉ »
Une communauté, c’est la première chose qu’est venu chercher Code41 : « Nous avons tout misé là-dessus », souligne d’entrée son fondateur, Claudio d’Amore. La société de Lausanne a axé toute sa communication sur la transparence, notamment concernant l’origine des composants. Résultat : un buzz qui a permis à la marque de compter plus de 15 000 inscrits sur son site, avant même de se lancer sur Kickstarter où elle a amassé 460 000 € en 2016. « Cette manière de faire est aussi un moyen de se confronter directement au marché, de valider un projet », assure le jeune patron. Alexandre Meyer est moins enthousiaste. Pour sa jeune marque Phenomen, installée à Besançon, il a fini par choisir un mode de financement traditionnel, privilégiant le crédit et les investisseurs. « Ces sites sont un peu des tremplins en trompe-l’oeil : si ça marche, il est ensuite très difficile de rendre son entreprise pérenne, de la doter d’un réseau de distribution classique », affirme-t-il. Pour éviter cette stratégie à court terme, Réservoir a choisi une autre option offerte par le financement participatif, la souscription d’actions (equity crowdfunding). Sa campagne sur Raizers en 2017 lui a permis d’accumuler 1,4 million d’euros. Proposant des montres jusqu’à 4 000 €, la marque a préféré se constituer une « communauté d’investisseurs, explique le CEO François Moreau, ancien de chez HSBC. Au-delà de 1 500 €, il est très risqué de viser les précommandes. Les personnes que nous avons convaincues sont motivées pour nous suivre sur la durée.