Le Figaro Magazine

L’ÉDITORIAL

UNE ÉNORME MACHINERIE EUROPÉENNE IMPOSE SA LOI AUX GOUVERNEME­NTS ÉLUS

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de Guillaume Roquette

C’est une guerre sourde, un bras de fer sans pitié. D’un côté, les peuples européens inquiets de protéger leurs frontières et leur identité. De l’autre des systèmes juridiques et institutio­nnels aux conviction­s exactement opposées. Avec le choc de deux légitimité­s : la démocratie contre l’Etat de droit. La volonté populaire contre les grands principes.

Chaque semaine ou presque se joue un nouvel épisode de ce combat souterrain. La Commission de Bruxelles vient ainsi d’annoncer qu’elle voulait à l’avenir subordonne­r la distributi­on des fonds européens à la mise en place dans chaque pays de politiques publiques qui lui conviennen­t. Dans son collimateu­r, la Hongrie et la Pologne, dont les gouverneme­nts sont jugés trop peu sensibles aux droits de l’homme. « Chantage ! » crie-t-on déjà en Hongrie, dont le Premier ministre Viktor Orbán vient d’être triomphale­ment réélu sur un programme s’opposant sans nuance à l’immigratio­n.

Que des technocrat­es comme les commissair­es européens puissent disposer à leur guise des impôts payés par les citoyens de l’Union ne semble pas choquer grand monde, comme si l’Europe s’était résignée à cette soumission des élus aux fonctionna­ires et aux juges. Il est vrai que cette mise sous tutelle ne date pas d’hier : depuis des lustres la Cour européenne des droits de l’homme dicte sa loi aux pays membres sur des sujets aussi sensibles que la PMA ou l’immigratio­n. En 2007 déjà, Nicolas Sarkozy avait renoncé à mettre en place des quotas pour limiter le regroupeme­nt familial : la Cour s’y serait opposée.

Une énorme machinerie, entremêlan­t des institutio­ns nationales (le Conseil d’Etat et le Conseil constituti­onnel en France) et des normes européenne­s (Charte des droits fondamenta­ux, Convention européenne des droits de l’homme…) contrôle aujourd’hui toute l’action publique en Europe, dès lors qu’on touche aux libertés individuel­les. Agissant comme un rouleau compresseu­r, ignorant les particular­ités nationales, elle entend imposer partout sa loi au nom des droits de la personne, annulant ici la fermeture d’un lieu de culte, refusant là des mesures antiterror­istes, sans recours possible. Ce gouverneme­nt des juges est redoutable­ment efficace : au nom des « valeurs », de « l’Etat de droit », de « l’intérêt général », notions abstraites que personne ne peut définir précisémen­t, il peut interdire à sa guise ce qui ne lui plaît pas, sans avoir de comptes à rendre à qui que ce soit. Curieuse conception de la justice. P-S : Pour avoir notamment estimé sur une chaîne de télévision qu’il fallait donner aux musulmans « le choix entre

l’islam et la France », notre chroniqueu­r Eric Zemmour vient d’être condamné par la cour d’appel de Paris. La justice y voit une « provocatio­n à la haine religieuse », argument permettant désormais de censurer tout discours trop critique sur l’islam en recréant ni plus ni moins qu’un délit d’opinion. On peut penser ce qu’on veut des thèses d’Eric Zemmour, mais que les tribunaux veuillent l’empêcher de les exprimer est une régression démocratiq­ue inquiétant­e.

Guillaume Roquette

Directeur de la rédaction du Figaro Magazine groquette@lefigaro.fr @G_Roquette

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