LES INDISCRÉTIONS
de Carl Meeus
Si on nous avait dit il y a un an qu’on en serait là aujourd’hui, on aurait signé tout de suite. » A Matignon, les choses sont claires : Edouard Philippe et ses principaux conseillers sont enchantés de leur première année passée rue de Varenne. Les anciens juppéistes reviennent de loin ! Au lendemain de la défaite de leur patron à la primaire de la droite et du centre, ils étaient repassés dans l’ombre et imaginaient devoir y rester longtemps. Au fond, même si Alain Juppé avait gagné la présidentielle, Edouard Philippe n’aurait pas été nommé Premier ministre.
En pleine bataille de la primaire, il fait d’ailleurs cet aveu à Laurent Cibien, son « pote de gauche » qui réalise un documentaire sur lui (Edouard, mon pote de droite, épisode 2, sera diffusé mardi 15 mai à 22 h 30 sur France 3) : « Alain Juppé peut gagner et n’avoir rien à me proposer. Il n’y a rien d’automatique. Je suis assez détendu là-dessus. » Quelques mois plus tard, Emmanuel Macron lui proposera d’être le chef de son gouvernement. Un rebond aussi inattendu qu’inespéré pour le maire du Havre, qui, de l’avis de ses proches, est « heureux » à Matignon. « C’est un homme d’exécutif, explique un de ses conseillers.
Edouard Philippe aime bien décider. On est dans un moment d’histoire politique qui mérite d’être vécu. Le président de la République y est pour beaucoup s’il est heureux. Il a un grand respect du Premier ministre. » Peut-être. En tout cas, depuis un an, aucune anicroche publique entre Matignon et l’Elysée. Mais n’est-ce pas aussi parce que le Premier ministre serait le vrai « collaborateur » du Président ? Nicolas Sarkozy l’avait théorisé en 2007, provoquant la bouderie de François Fillon. Emmanuel Macron l’applique avec un Edouard Philippe trop heureux d’occuper un tel poste. C’est même plus simple que ça, pour Jean Leonetti : « Il est un Premier ministre de la Ve République. Il est aux commandes et se met sur la touche quand le Président décide de monter en première ligne. » Une répartition des rôles qui permet au Premier ministre de prendre du temps pour lire l’Anthologie bilingue de la poésie allemande, posée sur son bureau. Celui qui a dû se faire accepter par les troupes de La République en marche comme chef de la majorité, occupe de fait une autre fonction : achever l’éclatement de la droite.
CANDIDAT À PARIS EN 2020 ?
Evidemment, à Matignon, on assure que ce n’est pas dans les missions d’Edouard Philippe : « Ce n’est pas une stratégie, explique-t-on rue de Varenne. On ne se demande pas tous les jours comment assécher la droite française. Elle n’a pas besoin de nous pour le faire. On exécute le projet du Président. » Avec d’autant moins d’états d’âme qu’une partie des sympathisants des Républicains soutient l’action du Premier ministre. Selon l’étude mensuelle menée par Kantar Sofres pour
Le Figaro Magazine, 56 % d’entre eux (+19 points en un mois) lui font confiance.
Et, comme il le reconnaît dans le documentaire :
« Macron ? Il est moins libéral que moi ! » Habilement, Edouard Philippe ne cherche pas à exister politiquement en dehors de l’application du projet présidentiel. Il n’est pas entré dans le parti du Président et veille à ne pas structurer une force politique à côté. Ce qui n’empêche pas certains de ses amis de penser à son avenir après Matignon et de l’imaginer, par exemple, candidat à la Mairie de Paris, si Macron décidait de changer de Premier ministre d’ici à mars 2020. Les municipales seront effectivement une nouvelle étape de la recomposition politique démarrée avec la présidentielle et les législatives de 2017, suivies des européennes de 2019 qui pourront être, tout au moins selon Matignon, « une occasion d’élargir la majorité ». Un ami du chef du gouvernement s’amuse de ces rumeurs : « J’y vois une reconnaissance du travail accompli depuis un an et aussi que certains aimeraient peut-être que la place soit vacante. Mais si on parle d’Edouard Philippe c’est une forme d’hommage. S’il avait échoué, on ne parlerait pas de lui. »