Le Figaro Magazine

LES CLÉS POUR COMPRENDRE

Ce 12 mai, Donald Trump pourrait rétablir des sanctions contre l’Iran. Sa décision risque de saper l’esprit du document signé en 2015 par Téhéran avec les Etats-Unis, la Chine, la Russie, la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne au bout de deux ans de

- Par Jean-Marc Gonin

1 LE CONTENU DE L’ACCORD

Le 14 juillet 2015, à Vienne, un accord était signé entre l’Iran et six puissances mondiales – Etats-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Allemagne – : Téhéran renonçait à développer l’arme nucléaire contre la levée des sanctions frappant la République islamique. Ce document laisse l’Iran poursuivre ses recherches dans le nucléaire civil, mais l’empêche de les approfondi­r en matière militaire. Ainsi, Téhéran a réduit sa capacité d’enrichisse­ment d’uranium : de 20 000 centrifuge­uses à 5 060. Son stock a fondu de 98 % à 300 kilos d’uranium enrichi pour quinze ans et le taux d’enrichisse­ment a été plafonné à 3,67 % (90 % sont nécessaire­s pour des usages militaires). Sur la filière plutonium, l’Iran s’est engagé à modifier son réacteur à eau lourde afin qu’il ne produise pas de matière fissile de qualité militaire. Pour vérifier le respect de l’accord, Téhéran a garanti à l’Agence internatio­nale de l’énergie atomique (Aiea) l’accès à tous ses sites nucléaires pendant quinze ans. En contrepart­ie, l’Iran a récupéré 100 milliards de dollars gelés à l’étranger et retrouvé l’accès au marché mondial du pétrole et aux circuits financiers internatio­naux.

2 LES INSUFFISAN­CES DÉNONCÉES

PAR SES DÉTRACTEUR­S

Dès sa campagne électorale, Donald Trump n’a pas eu de mots assez durs pour qualifier cet accord. « Un des pires

deals que j’aie jamais vus », ne cesse de déclarer le président américain. Pour la Maison-Blanche, le document n’est pas assez contraigna­nt et n’aborde pas le sujet des missiles balistique­s à moyenne et longue portée, voire interconti­nentaux, vecteurs essentiels de l’armement atomique que l’Iran continue à développer. En outre, l’accord ne tient aucun compte de l’expansionn­isme iranien dans la région (Syrie, Liban, Yémen, Irak), qui ne cesse d’inquiéter Israël, l’Arabie saoudite et les Emirats, alliés des Etats-Unis. Lors de sa visite à Washington, Emmanuel Macron, tout en demandant à Trump de ne pas déchirer le document signé sous Obama, a reconnu la nécessité d’un « nouvel

accord ». De son côté, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a dévoilé des documents volés en Iran et censés prouver que Téhéran poursuit un programme nucléaire militaire en secret. L’Aiea et les Européens ont réfuté l’argument et assuré que l’Iran avait respecté les termes de l’accord de Vienne.

3 LES CONSÉQUENC­ES D’UN RETRAIT DES ÉTATS-UNIS

Le président des Etats-Unis peut, à intervalle­s réguliers, reconduire la levée des sanctions américaine­s ou les imposer à nouveau. Le 12 mai, prochain rendez-vous, Donald Trump pourra rétablir celles visant les exportatio­ns de pétrole et des échanges commerciau­x libellés en dollars. Les banques iraniennes et leurs clients en seraient victimes. Le 11 juillet, le Président devra examiner un ensemble plus vaste touchant, par exemple, le transport naval et aérien. Le retour de ces sanctions-là ferait très mal à l’économie iranienne.

En réaction, l’Iran pourrait reprendre son programme nucléaire militaire. C’est ce que veulent les durs du régime. Les plus conciliant­s pensent développer les échanges en ignorant les Etats-Unis. Un pari audacieux, vu les représaill­es que Washington ne manquerait pas d’infliger aux sociétés qui commercent avec l’Iran. Enfin, et Téhéran a déjà amplement montré son savoir-faire dans ce domaine, certains craignent que l’Iran « punisse » les Américains en s’en prenant à leurs intérêts dans le monde. La République islamique dispose d’assez d’hommes de main tout autour du globe pour renouer avec le terrorisme d’Etat.

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Les signataire­s de l’accord sur le nucléaire iranien, le 14 juillet 2015 à Vienne. Il pourrait être remis en cause par Donald Trump.

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