LA CHRONIQUE
Les exactions de l’extrême gauche trouvent leur origine dans notre passé. Pourtant, l’Histoire montre que ces saccages finissent toujours par profiter au pouvoir en place.
d’Eric Zemmour
Il y a eu les zadistes. Puis les étudiants de Tolbiac et du Mirail. Enfin les black blocs. A chaque fois, les heurts avec la police sont d’une violence extrême. Violence délibérée, violence recherchée, violence revendiquée. On casse, on brûle, on saccage. Si on pouvait, on tuerait. En face, la réserve des policiers est exemplaire. Les instructions sont formelles. Les pouvoirs publics préfèrent laisser casser plutôt que de risquer de tuer un émeutier. Le temps des « violences policières » est loin. On peut d’ailleurs se demander si cette passivité policière – disons le mot : cette faiblesse complaisante – n’alimente pas la violence émeutière. La violence politique est une tradition séculaire en France. Sans remonter aux « émotions » de l’Ancien Régime, elle fait partie de la liturgie révolutionnaire depuis la prise de la Bastille en 1789. La littérature a exalté les Gavroches et la gauche a longtemps célébré les communards au mur des Fédérés. En France, une authentique révolte sociale est violente ou n’est pas. Les ouvriers occupent les usines, prennent en otage les patrons, et les paysans détruisent les préfectures. La gauche et surtout l’extrême gauche ont fait de la violence le mètre étalon d’une révolution digne de ce nom. Lors des émeutes de banlieue en 2005, une armada de sociologues et de commentateurs expliquaient que cette révolte ne pouvait être que sociale, forcément sociale, puisque tout était saccagé et brûlé… Le discours politique est adapté à cette tradition nationale. On insulte, on menace, on vocifère. On se plaint aujourd’hui de la dureté des propos de Mélenchon, ou naguère de Jean-Marie Le Pen, mais ce n’est rien à côté des querelles qui agitaient dans les années 1950 les communistes et leurs ennemis, ou dans les années 1930 les républicains et les contempteurs de la « Gueuse ». La télévision a plutôt apaisé qu’exacerbé les débats. On ne veut plus passer pour un excité en gros plan.
On ne sait si on doit s’en féliciter. La politique a toujours été un exutoire et fait fonction de catharsis. On s’étripe verbalement pour éviter de s’affronter physiquement. On tue par les mots plutôt que par l’épée. L’ennui, avec l’extrême gauche, c’est qu’on a le verbe et la violence ; non pas le verbe pour précéder et remplacer la violence, mais le verbe pour bénir la violence a posteriori. La violence des mots de Poutou pour encourager celle des blacks blocs et des étudiants. C’est pourquoi, dans l’histoire de France, cette violence révolutionnaire finit toujours par un appel à l’ordre. Ce sont les deux Bonaparte qui concluent les épisodes révolutionnaires de 1789 et 1848 ; c’est la République de Thiers qui s’impose parce qu’elle a osé massacrer les communards. C’est « l’Assemblée introuvable » de juin 1968. Toutes ces violences profitent toujours in fine au pouvoir. La question n’est pas de savoir si elles profiteront à Macron, mais s’il sera assez ferme pour en profiter.