LE THÉÂTRE
A La Pépinière, une adaptation réussie du roman d’Olivier Bourdeaut, « En attendant Bojangles », qui fait écho à l’extravagance joyeuse de Boris Vian.
de Philippe Tesson
Il y a deux ans parut sous le titre En attendant Bojangles, un roman qui connut rapidement un énorme succès. Son auteur, inconnu, Olivier Bourdeaut, y racontait l’histoire d’un amour heureux, celui d’un couple qui avait choisi de vivre, avec un enfant de 10 ans, dans la plus totale insouciance, indifférent aux conventions, aux codes, aux contingences. Intrigué par la fortune que rencontre l’adaptation au théâtre de ce roman, nous l’avons lu avant d’aller voir le spectacle. Et l’on comprend l’engouement que provoquent l’un et l’autre. Que l’on voie ou que l’on lise encore aujourd’hui des oeuvres gaies et légères n’est pas rare, bien que les temps soient au chagrin, mais quelque chose a quasiment disparu aujourd’hui dans la création littéraire et dramatique : l’extravagance. Or, elle est ici. On veut parler de la bizarrerie, dont la folie est souvent voisine, qui se mêle à la fois à la poésie et à la tendresse. L’auteur sait inventer des univers originaux, totalement déconnectés de la réalité, et donc qui font rêver et en même temps émeuvent. C’est cela qui a rassemblé le public autour de son roman et qui attire ce même public vers l’excellente adaptation qu’en a faite Victoire Berger-Perrin.
A trop avoir vu le réalisme social et psychologique envahir la comédie dans ses représentations les plus sinistres, va-t-on enfin assister au boulevard à un regain de l’imaginaire poétique ? On le souhaite. La fantaisie d’Olivier Bourdeaut fait en tout cas plaisir à lire et à voir. Il a l’amour complètement fou, la tristesse lui répugne, sa pensée n’a ni queue ni tête, c’est un vieux gamin espiègle, il déteste l’école et les inspecteurs des impôts, il est l’incarnation absolue de la liberté. C’est à bon escient que la critique a célébré sa parenté avec Boris Vian.
Son rapport au théâtre toutefois n’est pas encore maîtrisé. Le spectacle gagnerait à être allégé, surtout dans les derniers instants. Mais dans l’état actuel, narratif, de la construction de la pièce, l’interprétation se révèle excellente. La relation entre le père, la mère et l’enfant est parfaitement articulée. Anne Charrier a une présence délicieuse. Didier Brice montre à la fois beaucoup de force et de sensibilité. Et le jeune Victor Boulenger révèle – si l’on peut dire – une grande maturité dans le rôle ingrat d’un enfant de 10 ans. Il a beaucoup à faire, et il le fait très bien.
En attendant Bojangles, d’Olivier Bourdeaut. Adaptation et mise en scène de Victoire Berger-Perrin. Avec Anne Charrier, Didier Brice et Victor Boulenger. La Pépinière (01.42.61.44.16).
Un mélange de bizarrerie, de poésie et de tendresse