LITTÉRATURE
et le livre de Frédéric Beigbeder
Scherbius est un imposteur heureux. Il a, en effet, découvert l’existence d’une corporation que l’on peut flouer jusqu’à la fin des temps, sans risque d’être confondu : celle des psychiatres. Le docteur Le Verrier, son praticien attitré, le constate lui-même avec amertume à la moitié du récit de sa relation de vingt-quatre ans et de six volumes – Scherbius (et moi) – avec l’énigmatique individu :
« Les psychiatres, pour leur malheur, n’ont d’autre choix que de faire
confiance à leurs patients. » Surtout, aucune spécialité médicale n’est à ce point victime des effets de mode, entraînant ainsi notre psychiatre, alléché par la notoriété promise par ce patient providentiel, dans une succession de diagnostics hasardeux suggérés par le patient lui-même.
Antoine Bello, avec sa manière bien à lui de transmettre au lecteur ses obsessions, combine dans ce roman remarquable le meilleur de la littérature américaine – une construction parfaite, une documentation toujours irréprochable – et de la littérature française : la persistance d’une certaine ambiguïté. Car après tout, Scherbius est peut-être vraiment fou, qui sait ? Ce qui est certain, c’est que Le Verrier a vraiment du mérite à ne pas le devenir – il aurait d’ailleurs bien besoin lui-même à la fin de ce cauchemar d’un psychiatre. Moralité : carabins, choisissez plutôt comme spécialité l’anatomo-pathologie.