Le Figaro Magazine

NAPOLÉON OU L’ART D’ÊTRE CHEF

Leader et stratège hors pair, Napoléon Bonaparte était un formidable meneur d’hommes. De quoi inspirer, aujourd’hui, bon nombre de militaires, de chefs d’entreprise ou le... président de la République.

- Par Jean-Louis Tremblais

Napoléon stratège » : le titre de l’exposition qui se tient actuelleme­nt * au musée de l’Armée relève presque de la tautologie tant le nom de l’Empereur se confond avec la notion de stratégie. A tel point que sa méthode déborde aujourd’hui du seul domaine militaire pour inspirer le monde de l’entreprise. Les organisate­urs l’annoncent d’emblée : « Quand l’homme d’affaires d’aujourd’hui bâtit sa stratégie commercial­e autour de la récolte et du traitement des données par le digital, Napoléon, lui prépare ses campagnes grâce à des outils plus rudimentai­res. » Et de dresser un parallèle audacieux mais séduisant entre les objets utilisés par Napoléon dans ses pérégrinat­ions guerrières et les techniques de management contempora­in : la longue-vue (veille concurrent­ielle), le mythique bicorne (branding), la cassette contenant les renseignem­ents sur l’ennemi (benchmarki­ng), la chaise pliante (réactivité), la carte (conquête des nouveaux marchés), etc.

UN REDOUTABLE COMMUNICAN­T

A vrai dire, l’idée n’est pas neuve. Dans sa désopilant­e uchronie, La Mort de Napoléon, Simon Leys l’imagine après son évasion de Sainte-Hélène, en ménage avec une maraîchère parisienne et faisant fortune dans le commerce de melons au détail ! Trêve de plaisanter­ie : il est indéniable que ses qualités d’organisate­ur, à la fois comme chef d’Etat et comme « dieu de la guerre » (la formule est de Clausewitz), en font un modèle insurpassa­ble de leader. Napoléon est d’abord un meneur d’hommes, un super-DRH qui recrute les meilleurs (du soldat au ministre en passant par l’espion), les utilise à bon escient (Fouché pour surveiller, Schulmeist­er pour fouiner, Murat pour sabrer, Talleyrand pour traiter), et sait les récompense­r (Légion d’honneur et promotions fulgurante­s). Chez lui, l’ascenseur social fonctionne et la méritocrat­ie n’est pas un mot vide de sens : dans quelle autre armée de l’époque, un fils de tonnelier comme Ney aurait-il pu devenir maréchal et prince de la Moskova ? L’ancien élève du collège de Brienne met aussi l’accent sur l’éducation et la formation : on lui doit les lycées et le développem­ent des grandes écoles. Dans ses célèbres Cahiers, le capitaine Coignet raconte d’ailleurs comment, entre deux batailles, on lui apprend à lire et on le tire vers le haut… Ensuite, l’Empereur est un redoutable communican­t. Il comprend immédiatem­ent que le faire savoir est aussi vital que le savoir-faire. Général anonyme en quête de notoriété, il ne se contente pas d’accumuler les victoires (et comment !) pendant la campagne d’Italie : il va les faire connaître et façonner son image en créant deux journaux dédiés à sa gloire : Le Courrier

de l’armée d’Italie, puis La France vue de l’armée d’Italie.

Même après la chute, l’exilé de Sainte-Hélène construira sa propre légende avec le Mémorial de Las Cases, s’assurant du premier rôle dans la postérité. D’où la fascinatio­n qu’il exerce toujours : selon Jean Tulard, pape des études napoléonie­nnes, il s’est écrit plus de livres sur Napoléon qu’il ne s’est écoulé de jours depuis sa mort. Paradoxale­ment boudé en France (juste une rue Bonaparte, nulle avenue en son nom dans notre capitale dont il fut l’architecte et l’ordonnateu­r pourtant, alors que ses maréchaux y ont des boulevards), il est une superstar à l’étranger. En Chine ou au Japon, les exposition­s qui lui sont consacrées attirent des foules immenses. Ce n’est pas tant le conquérant qu’on y admire mais le dirigeant, son sens de l’initiative et du mouvement. On se souvient de l’acquisitio­n en 2014 d’un des bicornes de l’Empereur par Kim Hong-kuk (le roi du poulet sud-coréen !) pour la coquette somme de 1,88 million d’euros. Explicatio­n du grand patron asiatique : « Napoléon fut le précurseur de l’homme d’affaires moderne ! » Nul n’est prophète en son pays… ■ * Jusqu’au 22 juillet.

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 ??  ?? Napoléon stratège », une exposition présentée au musée de l’Armée qui décrypte ce chef de guerre exceptionn­el qu’était l’empereur des Français. Jusqu’au 22 juillet. Musée de l’Armée, hôtel national des Invalides, 129, rue de Grenelle, Paris...
Napoléon stratège », une exposition présentée au musée de l’Armée qui décrypte ce chef de guerre exceptionn­el qu’était l’empereur des Français. Jusqu’au 22 juillet. Musée de l’Armée, hôtel national des Invalides, 129, rue de Grenelle, Paris...

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