CINÉMA et l’apostrophe de J.-Ch. Buisson
Une comédie italienne dénonce avec brio et drôlerie la manière dont les Etats-Unis ont favorisé en 1943 le retour de la mafia en Sicile.
CHERS AMÉRICANOPHILES BÉATS, le film Bienvenue en Sicile (en salles le 23 mai) ne va pas vous plaire. Au point, sans doute, de hurler au mensonge, au complot, au révisionnisme. Quoi ? La mafia aurait trouvé une seconde jeunesse en Sicile puis en Italie grâce au débarquement allié en 1943 ? Quoi ? Les autorités américaines auraient signé un deal secret avec Lucky Luciano (alors emprisonné) qui prévoyait, en échange de la mise à disposition de ses hommes en Amérique et dans l’île pour aider les GI à chasser fascistes et soldats allemands, la possibilité pour les membres de Cosa Nostra de retrouver leur place au sein des administrations locales de tout le sud du pays ? Quoi ? L’affaire aurait été dénoncée par des officiers américains scandalisés et consciencieusement étouffée à Washington par saint Roosevelt ? Et pendant qu’on y est, pourquoi ne pas laisser entendre que si la mafia était alors moribonde, c’est parce que Mussolini l’avait mise au pas ? !
Toutes ces choses sont pourtant vraies ; grâces soient rendues au réalisateur Pierfrancesco Diliberto (dit Pif) de les révéler avec la plus grande finesse et la plus grande efficacité : par la comédie. A l’italienne : beaucoup de cris et de dialogues avec les mains, des saynètes d’un comique risien (cf. la bataille entre une statue de la Vierge et une autre du Duce, les mimiques du héros) ou d’une poésie fellinienne (un âne qui vole, un aveugle qui voit tout mieux que tout le monde), etc. Le scénario lui-même sent l’olive et le risotto : un jeune Italo-Américain s’engage dans l’US Army pour pouvoir se rendre en Sicile et demander la main de celle qu’il aime à son père mourant resté là-bas. Problema : la belle a été promise au fils d’un mafieux new-yorkais aux racines siciliennes… C’est ainsi que petite histoire (sentimentale) et grande Histoire (politique) vont se croiser et donner naissance à cette farce grinçante, parfois poignante, souvent très drôle quoique porteuse d’une tragédie qui n’a fait qu’enfler avec le temps : la (re) conquête et l’exercice du pouvoir en Italie par une organisation criminelle. Tant il est vrai que les Etats-Unis n’apportent pas que la paix, la liberté et la justice dans leurs valises diplomatiques ou au bout de leurs fusils. Hier comme aujourd’hui.