LITTÉRATURE
et le livre de Frédéric Beigbeder
Exercice périlleux que le roman historique. Péril encore accru quand le sujet s’appelle La Fayette, le « héros des Deux Mondes », aristocrate révolutionnaire de ce côté de l’Atlantique et glorieux soldat de la guerre d’indépendance de l’autre. Guillaume Debré, dont la biographie personnelle est à cheval sur les deux rives, a non seulement relevé ce défi, mais il en a tiré un superbe texte où l’intrigue politico-historique se déroule sur fond de reconstitution scrupuleuse de l’Amérique et du Paris de la première partie du XIXe siècle… Le héros central, William Castillon, jeune journaliste new-yorkais, descendant de huguenots, veut savoir si George Washington a trahi son ami La Fayette en le laissant croupir cinq ans dans une geôle de Moravie sans jamais intervenir auprès de l’empereur d’Autriche pour qu’il le libère. Son investigation digne des grands journaux américains va le conduire du New York en plein essor à Washington, capitale encore balbutiante, puis au Paris gagné par la fièvre et souillé par le sang des barricades des Trois Glorieuses, qui mirent un terme au règne de Charles X remplacé par Louis-Philippe. Castillon finira par rencontrer La Fayette et décrypter l’énigme de sa relation avec le premier président des Etats-Unis. Mais l’essentiel n’est pas là : l’admirateur inconditionnel du général français va découvrir les failles de son modèle. Et égratigner au passage l’image du héros. Né dans une famille passionnée de politique, Guillaume Debré, fils de Jean-Louis et petit-fils de Michel, livre un roman aux dialogues ciselés, au vocabulaire riche et imagé, et dont le véritable héros s’appelle le pouvoir.