“IL FAUDRA SANS DOUTE UNE QUINZAINE D’ANNÉES POUR CHANGER L’ÉPARGNE DES FRANÇAIS”
L’expert financier, qui vient de publier un livre de conseils *, est persuadé que la pierre reste un bon investissement, que le fond en euros n’est pas mort et qu’une résidence secondaire ne doit pas être considérée comme un placement.
Les épargnants sont perdus : il faut construire plus de logements, augmenter l’offre locative, mais la fiscalité s’alourdit sur la pierre. Où est la logique ? N’est-on pas face à des injonctions contradictoires ?
Ce n’est pas le cas. Pour moi, le message du gouvernement est très clair : il n’a pas besoin de l’argent des investisseurs privés pour relancer la construction en France. Il compte pour cela sur les institutionnels, les compagnies d’assurances, les gros family offices, les investisseurs étrangers. Ces acteurs ont suffisamment de liquidités et ils ont recommencé à investir dans l’immobilier résidentiel. Il n’y a pas de problème de financement de l’immobilier.
La distinction entre investissements productif et improductif ne vaudrait donc que pour les particuliers ?
Cette distinction vise à résoudre un autre problème, celui du financement de l’économie française. Emmanuel Macron a une culture anglo-saxonne. Il veut transformer les mentalités sur les placements. C’est un processus de long terme. Aux Etats-Unis, à la naissance on n’ouvre pas un Livret A, mais un compte-titres ! Et c’est ce compte-titres sur lequel on compte pour sa retraite. Les Français en sont très loin. Bien sûr, ils peuvent continuer à investir dans l’immobilier, mais ils supporteront une fiscalité lourde.
Investir en actions à 40 ans pour sa retraite, c’est une bonne idée ; mais il faut plus de doigté à 55 ans.
La stratégie actuelle est de pousser les actifs, ceux qui sont « productifs », à investir dans des actifs productifs. Les autres, les retraités et les plus de 55 ans, sont vus comme ayant déjà un patrimoine. C’est pour eux que la gestion de patrimoine est la plus délicate. C’est une vision politique forte, radicale. C’est aussi une vraie rupture de générations. Emmanuel Macron a fait le ménage dans la classe politique, il donne l’impression de faire le même dans la société, en considérant les retraités comme des nantis !
Il faut du temps pour modifier les mentalités. Les particuliers doivent-ils abandonner l’immobilier locatif ?
Non ! Le message passera auprès du grand public, mais il faudra sans doute une quinzaine d’années (si la fiscalité ne change pas). Pour l’instant, profitez de la fenêtre de tir, celle qui incite les institutionnels à investir dans le logement. Elle est liée au très bas coût des crédits immobiliers. C’est aussi le seul moyen pour le grand public de bénéficier d’un effet de levier. Mais attention, il faut être très sélectif et mettre autant de soin à choisir un bien locatif qu’on le ferait pour sa résidence principale. Ne croyez pas certains vendeurs qui vous promettent que votre investissement rapportera de l’argent de façon certaine.
Quelles sont les fausses idées qui circulent en matière de placements ?
La première est que le fonds en euros est mort. Ce n’est pas le cas, l’assurance-vie est un produit fiscal et de transmission phénoménal et le fonds en euros est un placement qui a sa place dans un patrimoine. Autre absurdité : 500 milliards d’euros dorment sur les comptes bancaires, un quart de la dette de la France. Placez-les sur un (bon) fonds en euros. Il y a aussi trop d’argent sur les livrets A, six mois à un an de dépenses du ménage suffisent. Enfin, on ne gagne pas d’argent en Bourse en ne s’en occupant pas.
Avec la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, les résidences secondaires risquent de coûter de plus en plus cher. Que faire ?
Les résidences secondaires ne sont pas des placements, ce sont des biens d’usage et elles coûteront en effet de plus en plus cher. En clair, vous pouvez choisir d’avoir une voiture, ou une résidence secondaire, cela correspond à un mode de vie, mais cela n’entre pas dans une stratégie patrimoniale. La résidence secondaire est un bien générationnel, la façon de s’en servir aussi. Dans dix à quinze ans, je fais le pari que les maisons de vacances seront principalement partagées sur Airbnb ou d’autres plates-formes. Ce qui sera plus ou moins facile selon la localisation. A la campagne, les prix risquent de moins bien évoluer qu’ailleurs…
Tous les épargnants ont-ils vocation à investir en Bourse ?
Non, et je ne pense pas que l’idée soit que les Français investissent sur le CAC 40. Il ne faut pas donner une voiture à des gens qui n’ont pas le permis, il y aura des accidents. L’enjeu me semble être de développer le capitalisme de proximité avec des actifs actionnaires de leur entreprise ou qui investissent dans des fonds de gérants reconnus. ■