Le Figaro Magazine

FACE AUX MIGRANTS

Quand la démocratie heurte les droits de l’homme

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Il ne croyait pas si bien dire. Eric Zemmour se demandait ici même, il y a une semaine, si l’Espagne n’allait pas remplacer bientôt l’Italie comme point d’entrée en Europe des migrants africains. Lundi dernier, c’est le chef du gouverneme­nt espagnol en personne qui lui a donné raison en proposant d’ouvrir le port de Valence à l’Aquarius, bateau de 629 immigrants, auquel l’Italie refusait l’accès.

Le socialiste Pedro Sanchez a expliqué sa décision par l’absolue nécessité d’éviter « une crise humanitair­e ». Qui pourrait lui donner tort ? Même pas le nouveau Premier ministre italien, qui l’a remercié pour cet acte de solidarité. Mais la nouvelle équipe au pouvoir à Rome n’a pas changé d’avis pour autant : elle a été élue pour stopper l’immigratio­n et compte bien continuer de refuser l’entrée dans ses ports des bateaux remplis d’Africains. Dans cette dramatique crise des migrants, deux logiques s’affrontent désormais, l’une humanitair­e, l’autre démocratiq­ue. Le pouvoir espagnol veut respecter les droits de l’homme tandis que son homologue italien honore la volonté de ses électeurs. Deux démarches également respectabl­es, et on ne peut que saluer la réserve dont a fait preuve la France dans ce dossier difficile. Reste qu’il serait trop facile de renvoyer dos à dos nos deux voisins méditerran­éens en considéran­t qu’ils ont chacun raison de leur point de vue : l’Europe est trop mal en point pour laisser chacun de ses membres gérer comme elle l’entend sa politique migratoire.

Pour tenter d’y voir un peu plus clair, on peut d’abord estimer que si le sauvetage des migrants doit être inconditio­nnel, il n’en va pas de même de leur accueil. Même l’Eglise catholique, malgré son engagement constant dans la défense des réfugiés, admet dans son catéchisme que les nations riches sont tenues d’accueillir l’étranger

« autant que faire se peut », et conditionn­e cet accueil au respect par l’immigré du « patrimoine matériel et spirituel de son pays d’accueil ». Une expression que l’on pourrait résumer par le mot assimilati­on. Or, l’histoire récente de l’Europe démontre combien cette assimilati­on est devenue difficile.

De même, cet accueil ne peut pas être illimité. Les Espagnols qui accueillen­t aujourd’hui l’Aquarius le savent bien, eux qui bloquent par la force depuis des années les immigrés qui se pressent aux portes des villes de Ceuta et Melilla, leurs deux enclaves sur la côte marocaine. En 2050, la jeune Afrique sera près de cinq fois plus peuplée que notre Vieux Continent : « la ruée vers l’Europe », pour reprendre le titre du livre de Stephen Smith, ne fait donc que commencer et les Etats de l’Union ne peuvent pas faire semblant de l’ignorer. Nous n’avons aucune raison de nous sentir coupables.

Deux millions d’étrangers sont entrés dans l’espace Schengen en deux ans, l’Europe finance la moitié de l’aide mondiale au développem­ent et la France accueille chaque année plus de 200 000 immigrés supplément­aires, sans compter les dizaines de milliers de clandestin­s. Notre devoir est d’organiser cette immigratio­n pour arrêter enfin de la subir.

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