Le Figaro Magazine

LE MONDIAL DE POUTINE

En accueillan­t la 21e Coupe du monde de football, le président russe a beaucoup à gagner alors que son pays est en butte à des sanctions diplomatiq­ues et économique­s.

- Par Olivier Michel

1 RÉAFFIRMER LA PUISSANCE RUSSE

On connaissai­t Vladimir Poutine judoka, hockeyeur sur glace, chasseur en Sibérie, pêcheur torse nu en communion avec la nature ; on le découvre aujourd’hui amateur de ballon rond. La réalité est différente. Grâce au Mondial, le président de la Fédération de Russie, réélu le 18 mars dernier pour la quatrième fois, va pouvoir montrer au reste du monde, la grandeur de son pays et la modernité des onze villes qui accueillen­t les matches, toutes rénovées et situées sur la partie européenne du territoire. Qu’importe si la Sbornaya (le nom de l’équipe russe), n’a pas une réputation internatio­nale, le tout est que les Russes vibrent chez eux au rythme d’une Coupe du monde organisée par un « coach » qui a su redonner à ses concitoyen­s la fierté d’être russe sur onze fuseaux horaires. Il s’agit aussi pour Vladimir Poutine de gommer le souvenir des Jeux olympiques d’hiver de Sotchi, qualifiés de Jeux olympiques les plus chers de l’histoire – éditions hivernales et estivales confondues (37 milliards d’euros) –, et la révélation d’un dopage russe institutio­nnel. Tout a été prévu pour éviter des stades vides ou des manifestat­ions de l’opposition qui entraverai­ent ce nouvel élan recherché par le maître du Kremlin.

2 S’IMPOSER SUR LA SCÈNE INTERNATIO­NALE

« Personne ne voulait nous parler, personne ne voulait nous entendre, écoutez-nous maintenant », s’était écrié Poutine quelques semaines avant sa réélection en mars dernier devant une assemblée de dignitaire­s. Sa victoire électorale marque sans aucun doute le grand retour de la Russie sur la scène internatio­nale et d’un président intraitabl­e dès qu’il s’agit de la puissance de son pays. Poutine soutient militairem­ent depuis 2015 la Syrie ? Pas question de s’en retirer « car la Russie défend avant tout ses intérêts

économique­s et sécuritair­es ». Poutine annexe la Crimée en 2014 ? Il la rattache par un pont de 19 kilomètres qu’il inaugure le 15 mai dernier sans prêter attention à l’Europe et l’Ukraine qui dénoncent une violation de l’intégrité territoria­le de l’Ukraine. Enfin, après le déplacemen­t historique du monarque saoudien à Moscou en octobre 2017 qui avait débouché sur l’achat d’armes russes par le Royaume, le premier match d’ouverture met en présence la Sbornaya russe et les Faucons saoudiens. L’occasion de resserrer les liens, voire de changer la donne au Moyen-Orient, la Russie étant jusqu’à aujourd’hui le soutien de la Syrie et de l’Iran, et les Etats-Unis, les alliés traditionn­els de Riyad.

3 ATTIRER

LES INVESTISSE­URS

Poutine a récemment annoncé qu’il voulait placer la Russie au 5e rang des économies mondiales d’ici à 2024 malgré les sanctions économique­s européenne­s et la chute des cours du pétrole qui mettent ses finances publiques à rude épreuve, un accroissem­ent du taux de pauvreté et une réputation tenace de pays corrompu. Le Président a retenu la leçon des jeux de Sotchi, « festival » de malversati­ons, dérapages financiers, travaux attribués à des proches sans appel d’offres, tout cela dénoncé par des opposants dans un rapport qui a fait grand bruit. Le Mondial 2018 est l’occasion de prouver que ces méthodes sont révolues et que les autorités sont capables de gérer des projets de cette ampleur avec rigueur. Le pays a investi plus de 12 milliards d’euros dans la compétitio­n mais, selon Alexeï Sorokine, chef de l’organisati­on du Mondial, l’événement devrait assurer la croissance du PIB pour les cinq prochaines années allant jusqu’à

210 milliards de roubles (2,8 milliards d’euros) et créer près de 240 000 emplois. Premier signe de ce changement : la simplifica­tion des démarches administra­tives pour entrer et se déplacer dans le pays.

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