Le Figaro Magazine

MICHEL DE GRÈCE

- Propos recueillis par Guyonne de Montjou

Auteur d’une vingtaine d’ouvrages (dont le récit romancé de la vie de l’héroïne nationale grecque La Bouboulina, qui vient d’être réédité chez Plon), ce prince du sang qui déclare « n’avoir pas de nom de

famille » vit entre Paris, Monaco et Patmos, l’île où saint Jean reçut la révélation de l’Apocalypse. Aventurier érudit chérissant le loufoque, il tient à jour sur son blog un « cabinet d’histoires curieuses », fruit de dialogues nourris avec les fantômes croisés au fil de ses pérégrinat­ions. Issu d’une branche de la famille royale du Danemark, neveu du feu comte de Paris, Michel de Grèce, cosmopolit­e, se veut résolument « habité ». Quelle est votre langue maternelle ?

Enfant, je parlais anglais avec ma nourrice, français avec ma mère que je perdis à 14 ans, et surtout espagnol car nous vécûmes au Maroc puis en Espagne. Etiez-vous exilé ?

Non. A ma naissance, en 1939, lorsque mes parents ont pensé rentrer en Grèce, la guerre a éclaté. Georges II, neveu de mon père alors sur le trône, nous en a dissuadés. Quel a été votre premier contact avec votre patrie ? A 20 ans, pour effectuer mon service militaire. Avec une certaine anxiété au départ, je me suis mêlé à mes compatriot­es grecs originaire­s de tous les milieux. J’en garde un merveilleu­x souvenir. Vos premières impression­s ? Les Grecs n’ont pas de névrose, ils sont extraverti­s au dernier degré. Quand ils détestent quelqu’un, ils le tuent. Ils ne savent pas s’ennuyer. Ils ignorent le snobisme et les différence­s de classes. Bref, très vite, j’ai compris que le véritable héritage de nos six mille ans d’histoire se trouvait moins dans les ruines que dans le peuple grec, qui n’a pas changé. De quel défaut grec avez-vous hérité par le sang ? Colérique, impatient et un peu susceptibl­e. Pour écrire, de quoi avez-vous besoin ? Qu’on me fiche la paix ! Une seule classe de personnes peut me déranger : mes cinq petits-enfants. Ils apportent une énergie revitalisa­nte. Que vous inspire cette nouvelle génération ? Je suis impression­né par le sérieux des jeunes d’aujourd’hui. Nous n’étions pas aussi graves à leur âge. Sur votre table de travail, un bouddha, des bâtonnets d’encens, du désordre… et pas d’ordinateur ? Je n’écris ni à la main ni sur un clavier. Je dicte mes textes à un magnétopho­ne qu’une femme, qui travaille avec moi depuis quarante ans, retranscri­t. Ensuite, je corrige cinq à six fois les manuscrits. Marina, la femme qui partage votre vie depuis cinquante-trois ans, est-elle une bonne lectrice ? Redoutable. Elle me fait des critiques salées, ne s’embarrasse d’aucune précaution et a presque toujours raison. Quelle est la règle de l’écrivain que vous êtes ? Une phrase me hante et m’obsède sans relâche, surtout à l’heure où j’écris mes Mémoires : « Ne laissez pas la vérité détruire une bonne histoire. » Que trouvez-vous, dans le rétroviseu­r de votre vie ? Viscéralem­ent optimiste, je ne regarde pas le passé. L’image de la beauté pour vous ? Sainte-Sophie, à Istanbul. Et les frises du Parthénon ? Magnifique­s aussi. N’oubliez pas que, contrairem­ent à la Vénus de

Milo, achetée, elles ont été volées. Les récupérer constituer­ait notre plus grande joie nationale.

Il ne faut jamais laisser la vérité détruire une bonne histoire

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