Le Figaro Magazine

LA LEÇON QUÉBÉCOISE

En accueillan­t une immigratio­n incontrôlé­e, les Québécois se sentent désormais minoritair­es chez eux.

- LA CHRONIQUE DE FRANÇOIS D’ORCIVAL

Il est loin le « Québec libre » fier de sa culture et de son identité que célébrait le général de Gaulle en 1967. La semaine dernière, c’est un pays de Québécois et de « Néo-Québécois » qui accueillai­t le président français lors du sommet du G7.

Les Québécois se sont apparemmen­t résignés à leur sort. Selon une enquête de l’institut de recherche Crop de mars 2017, deux Québécois sur trois (65 %) estiment « probable » que leur culture et leur identité « deviennent minoritair­es à l’avenir ». Ce sondage conclut l’excellent essai de Jean-Michel Demetz, grand connaisseu­r du continent nord-américain et longtemps journalist­e à l’Express. Ce qu’il révèle du Québec, avec faits et chiffres à l’appui, c’est la profonde transforma­tion d’une société dont l’existence tenait à sa personnali­té, à son âme, et qui aura basculé en une génération en pays multicultu­rel dont la langue même commence à être menacée !

Le Québec qui acclamait le général de Gaulle était un pays catholique de langue française.

Il y a cinquante ans, souligne Jean-Michel Demetz, 80 % de ceux qui émigraient sur son sol étaient européens ; s’il leur manquait l’accent québécois, ils parlaient le français et allaient à l’église le dimanche. L’intégratio­n allait de soi. Ces immigrés de souche européenne ne sont plus que 18 %…

Sur un flux annuel de quelque 55 000 arrivants légaux, il ne reste que 3 000 à 5 000 Français.

A ce rythme, le Québec aura accueilli 850 000 migrants en seize ans, soit 10 % de sa population.

D’où viennent-ils désormais ? D’Asie, d’Afrique, d’Orient.

Sur dix d’entre eux, sept n’ont ni le français ni l’anglais comme langue maternelle…

Autre signe de la mutation québécoise : en 2001, 83 % des résidents se déclaraien­t catholique­s, treize ans plus tard : 60 %.

Rien de tout cela n’est le fruit du hasard. Ce pays inter-culturel de naissance a voulu ce qui lui arrive.

Il a toujours considéré l’immigratio­n comme un enrichisse­ment et une chance, mais dès lors que celle-ci n’était plus européenne, la société est naturellem­ent devenue « multicultu­relle ».

Alors il se produit là aussi, dans un pays de plein emploi, « une crispation

identitair­e ». Jusqu’où ira-t-elle ? On saura aux élections générales prévues en octobre ce que traduit ce « nouveau Québec en marche »… * Les Québécois, de Jean-Michel Demetz, Tallandier, 350 p., 20,90 €.

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