QUAND LE FRANÇAIS S’ENCANAILLE
Une étrange reconstitution théâtrale de l’univers des radios libres des années 1980 par les Comédiens français.
David Lescot a 47 ans. C’est un auteur de théâtre de qualité. Il a vécu toute sa vie dans le théâtre. Il aime inscrire le théâtre dans la réalité de son époque. A son âge, on commence à revivre son enfance avec curiosité, avec nostalgie. Le souvenir lui est resté, il avait une dizaine d’années, de l’excitation que provoqua l’apparition des radios libres lorsque la gauche arriva au pouvoir. De fait, ce fut le prétexte à un déchaînement de passions assez croustillant, « un désordre
enthousiasmant, une libération illimitée », dit-il, comme beaucoup de nouveautés à ce moment-là de notre histoire. Alors, Lescot a-t-il décidé de raconter cette aventure par le truchement du théâtre, d’en faire un objet théâtral. C’est une idée sympathique, mais très ambitieuse. Car il nous promettait à la fois « un manifeste esthétique, un débat politique, une transe musicale, un témoignage existentiel, une improvisation littéraire », etc. Excusez du peu, restons modestes ! Il n’y a réellement rien de tout cela dans ce qu’il nous propose dans la salle du Vieux-Colombier, transformée pour l’occasion en un vaste espace bifrontal qui abrite les rédactions de deux radios libres façon 1981. On assiste à un spectacle très vivant, ou plutôt très agité et très confus, délibérément désordonné comme à l’identique des années 1980, mené par huit comédiens, et non des moindres, dans une vingtaine de rôles. Ils se livrent durant deux heures à une assez pauvre démonstration de l’activité incessante des équipes de journalistes et d’artistes qui animaient les émissions des radios libres. Le rappel historique du contexte politique de cette épopée est assurément ce qu’il y a de plus intéressant : on veut parler des difficultés que connurent ces jeunes gens dans leur rapport à l’argent et au pouvoir politique et dans la gestion de leur utopie. Mais sur le plan culturel et esthétique, quel ennui ! Lescot aurait-il voulu procéder à une méchante caricature de la création artistique des radios de cette époque qu’il ne s’y serait pas pris autrement. La pauvreté de ce qu’il nous montre est accablante. Conforme, il est vrai, à la réalité qui fut très décevante par rapport à l’attente. Mais quand même ! Car il souffla au moins alors un air de liberté et de jeunesse, une gaieté légère dont on ne retrouve pas la moindre trace dans ce laborieux pèlerinage aux sources. On pardonne à Lescot de ne pas avoir vécu ce qu’il imagine. Tel est le piège de toute reconstitution historique, à plus forte raison lorsqu’elle concerne un objet aussi transparent, aussi fluide, abstrait et éphémère qu’une émission de radio. Les Ondes magnétiques, de David Lescot. Mise en scène de l’auteur. Avec Sylvia Bergé, Alexandre Pavloff... Théâtre du Vieux-Colombier (01.44.58.15.15).
“Une idée sympathique mais très ambitieuse”