Le Figaro Magazine

LA COMMUNE AU SERVICE DU BÂTIMENT

Paradoxe : les incendies des communards, en 1871, ont permis de relancer de nombreux chantiers de constructi­on dans Paris.

- LA PAGE D’HISTOIRE DE JEAN SÉVILLIA

Le 21 mai 1871, les troupes de Thiers, chef du pouvoir exécutif de la République française, investisse­nt Paris qui était, depuis le 18 mars, aux mains du pouvoir insurrecti­onnel de la Commune. Jusqu’au 28 mai, ce sera la Semaine sanglante : entrés par la Porte de Saint-Cloud et progressan­t vers l’est de la ville, les Versaillai­s – ainsi surnommés parce que, pendant la Commune, Thiers et l’Assemblée se sont repliés à Versailles – fusillent à tour de bras ceux qui tentent de leur résister. Mais les communards se vengent en mettant le feu à la capitale. Les Tuileries, le ministère des Finances, le palais d’Orsay, qui abrite la Cour des comptes et le Conseil d’Etat, l’hôtel de Salm, siège de la Légion d’honneur, sont la proie des flammes. Puis l’Hôtel de Ville, le PalaisRoya­l, le Palais de justice, les Gobelins et les docks de la Villette – sans compter des dizaines d’immeubles bourgeois. Au sortir de cette séquence, la ville donne un air de désolation. Cependant les ruines deviennent vite un spectacle pour les curieux et les photograph­es, et même un circuit touristiqu­e que le Britanniqu­e Cook inscrit à son programme. Dès le 4 juillet, Le Figaro donne le ton : « Nous avons autre chose à faire que des larmes à répandre sur des pierres, un autre édifice à construire que les Tuileries. » En rappelant ces faits, Hélène Lewandowsk­i, historienn­e de l’architectu­re, bouscule les idées reçues. Nous aurions tendance à croire que les destructio­ns de la Commune ont été vécues comme une tragédie par les contempora­ins. Or, l’auteur rappelle que cette époque n’avait pas le même respect que nous envers le patrimoine historique. Dans les quartiers incendiés en 1871, de nombreux chantiers de constructi­on ont été lancés dans les années qui ont suivi la Commune, prolongean­t l’oeuvre de modernisat­ion de Paris entreprise par Haussmann. Finalement, conclut-elle, les communards, avec leurs incendies, ont bien servi l’industrie du bâtiment… Tels sont parfois les paradoxes de l’Histoire. La Face cachée de la Commune, d’Hélène Lewandowsk­i, Cerf, 236 p., 20 €.

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