GIOVANNI FABBRI
La bonne pâte
S’il est une chose à ne pas évoquer devant Giovanni Fabbri, c’est bien le « sans gluten ». Héritier d’une manufacture familiale de pâtes artisanales fondée en 1893, à Strada in Chianti, le volubile fabricant n’a pas de mots assez durs pour vilipender cette mode alimentaire. Dans son « musée de la pasta » installé au rez-de-chaussée de l’entreprise, où il conserve religieusement documents historiques et instruments anciens, ce passionné fait la démonstration de l’ineptie de ce régime. Après avoir moulu une poignée de grains de blé dur, il lave la semoule avec de l’eau jusqu’à l’obtention d’une boule blanche, malléable semblable à du chewing-gum. « Et voilà le gluten !, triomphe-t-il. Depuis des milliers d’années, l’intestin de l’homme l’assimile parfaitement et son organisme en a besoin. »
Giovanni Fabbri sait tout des pâtes. Et c’est avec fierté qu’il fait visiter son entreprise. Outre la semoule de blé qui entre dans sa fabrication, tirée de vieilles variétés encore cultivées par de rares céréaliers, le secret de la pasta Fabbri se trouve à la sortie du laminoir. Notre homme nous prie de suivre jusqu’au séchoir les chariots roulants garnis des tringles sur lesquelles sont suspendus des spaghettis frais : « Les industriels forcent la température pour que la pâte sèche en une heure. Chez nous, on ne dépasse pas les 38 °C et cela prend entre trois et six jours. » Les spaghettis Fabbri sont moins friables, leur substance est différente. A la cuisson, l’eau bouillante dans laquelle on a plongé les pâtes devient instantanément blanche et trouble. « Notre mode de production permet de conserver le gluten et les amidons à l’état naturel, ce qui facilite la digestion. » Fort des travaux scientifiques d’un professeur d’université de Florence, le « pastificio » de Strada in Chianti est prêt à ferrailler avec les partisans du sans gluten et avec les industriels qui utilisent des espèces de blé plus rentables mais aux propriétés médiocres. « Beaucoup de cultivateurs ont abandonné les blés anciens parce que leurs épis étaient trop hauts et donc plus exposés aux intempéries. C’est une erreur, il faut les réhabiliter au nom de la santé publique. » Quant au séchage long, Giovanni
Fabbri reconnaît que cette technique a un prix. « Nos pâtes sont plus chères mais elles tiennent mieux la cuisson et leur goût est tellement plus savoureux. » Sans oublier le label « AVEC gluten ».