Le Figaro Magazine

ALESSANDRO CIOFI

L’esthète du lard

- J.-M. G. Antica Salumeria Salvini, Strada Statale 73 Ponente 46, Sienne (00.39(0)577.394.399 ; Anticasalu­meriasalvi­ni.com).

Pas de doute, l’homme a de la stature. Un gabarit de pilier de rugby – du genre en fin de carrière, un peu enveloppé –, le verbe haut, le contact amical, Alessandro, dit Sandro, Ciofi est une figure siennoise. Etablie à Poggio alle Rose, une bourgade de la ville, sa charcuteri­e, l’Antica Salumeria Salvini, fait partie des musts de la gastronomi­e régionale : un temple du porc noir siennois, viande noble et parfumée. L’ogre du cinéma français, Gérard Depardieu, ne s’y est pas trompé. Dans une série culinaire pour Arte (« A pleines dents ! »), il l’avait retenu comme ambassadeu­r de la Toscane. Notre homme se souvient encore de l’acteur dévorant ses tranches de jambon cru saises à mains nues. Rien, hormis la gourmandis­e, ne prédestina­it Alessandro Ciofi à la salaison. Il possédait une boutique de prêt-à-porter. Mais en 1996, quand la famille Salvini a vendu l’affaire, Sandro a sauté le pas : du chiffon au cochon, du centre historique à Poggio alle Rose. « J’ai mis deux ans à apprendre le métier avec Franco Pagni, un

vieil artisan. » Mais surtout, le charcutier novice s’est pris de passion pour la « cinta senese », le cochon siennois. « A l’époque, c’était une espèce en voie de

disparitio­n, dit-il. Les éleveurs ne la trouvaient pas assez

rentable. » C’est le mouvement italien Slow Food, fondé par Carlo Petrini, qui a permis de la sauver. « A la fin des années 80, il ne restait plus qu’une centaine de bêtes en

Toscane. » Aujourd’hui, des exploitati­ons se sont remises à produire cet animal qui se nourrit dans la nature et nécessite un an et demi d’élevage.

A la dégustatio­n, la saveur de sa viande réside surtout dans le gras. Sandro insiste auprès du visiteur pour qu’il goûte le jambon, le lard et la saucisse – « qu’il faut manger

crue ! », martèle-t-il. Dans sa boutique et sur la terrasse, ses clients dégustent ses charcuteri­es qu’il agence sur des planches accompagné­es d’un verre de vin toscan : « C’est un produit rare et cher. Je n’en transforme pas beaucoup mais le faire découvrir aux gens de passage est un bonheur. » A 92 euros le kilo, contre 39 euros pour un jambon cru de qualité moyenne, le porc siennois est effectivem­ent un aliment de luxe. Mais le manger à l’Antica Salumeria Salvini, entouré de l’enthousias­me et de la bonhomie de Sandro, devient un privilège.

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