TENDRE EST LE PRIX
Tous les écrivains finissent comme ça. Ils donnent leur nom à un prix littéraire. Scott Fitzgerald a le sien. On ne détesterait pas l’avoir. Pour cela, il aurait fallu ne pas appartenir au jury. Parfois, la vie est mal faite. La récompense est allée logiquement à Beau ravage de Christopher Bollen. Nicolas Rey, chez qui une fêlure est sensible, a obtenu le prix Gatsby pour Dos
au mur. Les auteurs étaient là, sur la terrasse de l’hôtel Belles Rives, à Juan-les-Pins. C’est l’ancienne villa des Fitzgerald. Il en reste quelque chose. Scott se baignait dans des océans d’alcool. Ses livres si mélancoliques avaient un parfum de désastre. Le couple défrayait la chronique. Tout jeune, il avait demandé la main de Zelda. Elle avait refusé. Il devint célèbre ; elle dit oui. Ensuite, elle sombra lentement dans la folie et il se ruina pour elle, dans tous les sens du terme. Il fournissait des nouvelles à la chaîne, travaillait pour Hollywood, séchait sur son chef-d’oeuvre inachevé, Le
Dernier Nabab. Il disait avoir perdu son innocence sur les routes en lacets qui le conduisaient à l’hôpital de Zelda. Il mourut oublié de tous. Elle périt dans un incendie. Depuis, des jeunes gens les imitent, rêvent de signer Tendre est la nuit, menacent de découper les serveurs, se jettent tout habillés dans les fontaines. Le tweed est toujours aussi indémodable. Les riches continuent à être différents. Prendre un bain de minuit en compagnie du fantôme de Fitzgerald constitue un sport et un passe-temps. Gin-tonic : arme de destruction passive.