Le Figaro Magazine

XI JINPING

L’empereur rouge

- Cyrille Pluyette, correspond­ant à Pékin.

Al’annonce des résultats : 2 958 voix pour, 2 contre, 3 abstention­s, Xi Jinping, dont le visage était resté impassible, esquisse un léger sourire, et applaudit, à l’unisson de la salle. « L’empereur rouge » savoure : il peut désormais conserver le pouvoir aussi longtemps qu’il lui plaira. En ce 11 mars 2018, sous les ors du Palais du peuple, à Pékin, les députés, choisis par le Parti communiste chinois (PCC) pour leur loyauté, ont voté à la quasiunani­mité la levée de la limite constituti­onnelle de deux mandats présidenti­els de cinq ans.

Arrivé aux manettes fin 2012, Xi Jinping, qui est aussi secrétaire général du Parti et chef des armées, s’est imposé à une vitesse fulgurante comme le dirigeant chinois le plus puissant depuis Mao Zedong. Parallèlem­ent, il n’a cessé d’accroître l’emprise du parti unique sur la société. La presse et les religions sont étroitemen­t surveillée­s ; toute voix dissidente est muselée ou emprisonné­e, les défenseurs des droits de l’homme ou les avocats subissent une sévère répression, et la censure est plus paranoïaqu­e que jamais. Marié à la chanteuse patriotiqu­e Peng Liyuan, le Président habite derrière les hauts murs rouges du vaste complexe de Zhongnanha­i, le coeur du pouvoir, tout près de la Cité interdite. De là, très peu de détails filtrent sur sa vie privée. Sauf ceux distillés dans la presse d’Etat. Sur certaines photos, on le voit, plus jeune, transporte­r sa fille sur vélo – elle a, depuis, étudié à Harvard – ou donner la main à sa mère âgée. Père « attentionn­é » et fils exemplaire, Xi Jinping est, par ailleurs, un dirigeant proche du peuple, martèle la propagande, qui met en scène ses sept années passées à l’adolescenc­e dans un village misérable, pendant la Révolution culturelle. De quoi faire oublier que Xi Jinping est en réalité un « prince rouge » : fils d’un héros de la guérilla communiste, il a étudié pendant son enfance dans un établissem­ent élitiste, à Pékin. Dans le même esprit, les journaux le montrent souvent parmi des paysans ou des enfants. Mais ce fan de football de 65 ans effectue également des séances de natation de « 1 000 mètres », s’extasient les médias officiels. Ce culte de la personnali­té est toutefois loin d’atteindre l’hystérie qui prévalait sous Mao.

CROISADE ANTICORRUP­ION

Dans une note diplomatiq­ue américaine, un ami de jeunesse estime que Xi Jinping « ne s’intéresse pas du tout à l’argent ». Le maître de Pékin a d’ailleurs lancé depuis plus de cinq ans une campagne anticorrup­tion, qui lui a, au passage, servi à écarter des rivaux, selon ses détracteur­s. Auparavant, en juin 2012, Bloomberg avait révélé la fortune accumulée par des membres de la famille du futur Président. Aucun lien entre ces biens et Xi Jinping, sa femme ou sa fille ; ni trace de favoritism­e ou de malversati­on n’ont été identifiés. Mais l’accès au site internet de l’agence avait ensuite été bloqué en Chine. Certaines franges de l’élite redoutent des erreurs ou une nouvelle restrictio­n des libertés, si Xi Jinping s’accroche à vie au pouvoir. Mais il demeure populaire auprès d’une majorité de Chinois, qui apprécient sa croisade anticorrup­tion ou la fierté retrouvée du pays à l’internatio­nal. ■

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Dans la lignée du puissant Mao Zedong, le numéro un chinois rétablit le culte de la personnali­té.
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