Le Figaro Magazine

RECEP TAYYIP ERDOGAN

Le nouveau sultan

- Guillaume Perrier Guillaume Perrier a récemment publié Dans la tête de Recep Tayyip Erdogan (Actes Sud, 240 p., 19 €).

Recep Tayyip Erdogan a mis fin au suspens. Réélu dès le premier tour de la présidenti­elle, le 24 juin, il reste le maître absolu du pays au moins jusqu’en 2023, l’année du centenaire de la fondation de la République turque par Mustafa Kemal. Au balcon du palais blanc de Bestepe, un complexe de 1 150 pièces édifié en 2014 au coeur de la capitale Ankara, le président turc reconduit a savouré son triomphe devant des partisans en liesse. Ce palais à la Ceausescu est aussi le symbole d’un pouvoir toujours plus autoritair­e et personnel. Si l’AKP des premières années rassemblai­t des profils divers, l’entourage d’Erdogan s’est progressiv­ement restreint, au gré des purges et des remaniemen­ts ordonnés par le « raïs ». L’ancien Président Abdullah Gül, un ami de trente ans, en a fait les frais.

Le premier cercle présidenti­el est d’abord constitué de sa famille : sa femme Emine, à ses côtés depuis toujours, ses enfants, Ahmed, Bilal, Esra et Sumeyye, la cadette étant la plus talentueus­e et celle qui joue un véritable rôle de conseillèr­e politique de l’ombre. Enfin son gendre, Berat Albayrak, ministre de l’Energie après avoir fait ses classes dans un grand groupe industriel proche du pouvoir, a la haute main sur ce secteur clé de l’économie. Il pourrait être le dauphin du « sultan ». Le second cercle autour d’Erdogan est constitué d’anciens compagnons de route islamistes avec lesquels il a fait ses armes à Istanbul dans les années 1970. Depuis quinze ans, les postes ont été distribués à ces fidèles de la première heure : ministères, direction du parti ou sièges de députés. Sa garde rapprochée, c’est le MIT, les services de renseignem­ent. Leur directeur, Hakan Fidan, le bras droit d’Erdogan sur les questions de sécurité et de terrorisme, est considéré par le Président comme sa « boîte noire ». L’homme fort de la Turquie s’est également entouré d’hommes d’affaires dévoués tels que Mehmet Cengiz. Des magnats de la constructi­on, le plus souvent, qui servent de financiers des projets du « raïs ». Ils bâtissent les grandes infrastruc­tures : l’aéroport géant qui se construit sur la rive européenne d’Istanbul par exemple. Ils financent les campagnes électorale­s et ont racheté la plupart des journaux et des chaînes de télévision, permettant un contrôle quasi total de l’informatio­n. Le groupe Demirören a acquis les titres du groupe Dogan, considéré comme le « Murdoch » des médias turcs jusqu’à l’arrivée au pouvoir d’Erdogan.

ENRICHISSE­MENT PERSONNEL

Les soupçons de dérive affairiste d’Erdogan ont été alimentés par un scandale de corruption révélé en décembre 2013, impliquant plusieurs de ses proches. Le Président est soupçonné par ses opposants d’enrichisse­ment personnel. Il se serait arrogé d’importante­s commission­s sur les marchés publics distribués à ses proches, selon un homme d’affaires turc en exil. De fait, son train de vie est aujourd’hui très éloigné de ses origines modestes. Les dépenses d’Emine Erdogan dans des boutiques de luxe ou chez des antiquaire­s au cours de ses voyages à l’étranger ont fait jaser. La première dame est arrivée à Londres en mai avec un sac Hermès à 50 000 €. ■

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Le président turc est devenu le symbole d’un pouvoir toujours plus autoritair­e.
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Entouré de sa garde d’honneur aux costumes hérités du grand Empire ottoman.

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