Le Figaro Magazine

UN ITALIEN CHEZ GANDHI

- Elisabeth Barillé

Gênes, 22 décembre 1936 : un Italien élégant, quoique rongé d’un feu insaisissa­ble, quitte une Europe qu’il juge trop séduite par le fascisme, à bord d’un paquebot appareilla­nt pour l’Inde. Il s’appelle Lanza del Vasto. Petit-fils de prince, il a longtemps traversé la vie sans savoir à quoi utiliser la sienne. Il s’est rêvé en poète, en philosophe, en bourreau des coeurs, il a traîné son mal-être entre Florence, Berlin et Paris, mirant son beau visage dans les miroirs des salons à la mode. Il n’y a gagné qu’un épouvantab­le dégoût de lui-même. Qui pour l’arracher au néant qui le guette ? Un « fakir à demi-nu » prêchant la non-violence, l’humilité, le détachemen­t. « Il m’est clair que dans le monde d’aujourd’hui, il n’y a qu’un seul homme : Gandhi. Tous les autres sont des charlatans, moi compris », note-t-il dans son journal intime. Cette certitude n’accouchera pas d’une rencontre tout de suite. Vasto n’approchera Gandhi qu’au terme d’un pèlerinage intérieur semé de déconvenue­s et de tentations bien terrestres, mais son séjour à l’ashram de Segaon sera sa renaissanc­e. L’ancien désabusé regagnera l’Occident en disciple engagé. Dans L’Homme révolté, Albert Camus parlait de ces héros qui n’ont de cesse d’aller jusqu’à l’extrémité harassante de leurs passions. Quitte à tout perdre. Ce pionnier de la décroissan­ce appartient à cette famille de grands brûlés, mais ce qu’il perdit le sauva…

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