KIM JONG-UN
Dictateur caméléon
Il y a quelques semaines encore, il incarnait le mal absolu. Kim Jong- Un défiait militairement les Etats-Unis en les menaçant du feu nucléaire, affamait son peuple victime de famines à répétition, faisait ouvrir le feu sur ceux qui tentaient de fuir le pays. A Singapour, le 12 juin dernier, le leader suprême nord-coréen trentenaire a affiché un tout autre visage en rencontrant le Président américain : affable, souriant, comme si de rien n’était. L’héritier de la seule dynastie communiste de la planète s’est même offert une balade nocturne le long du Marina Bay Sands, le casino cliquant où se pressent les touristes. Bingo. Le troisième des Kim a réussi son offensive de charme pour rendre présentable un régime stalinien paranoïaque, maître de la bombe et mis au ban par le Conseil de sécurité. Kim Jong-un est un autocrate caméléon. Il est capable d’assassiner son oncle et de multiplier les tests atomiques avant d’afficher un sourire jovial de bon vivant, en compagnie de l’homme le plus puissant de la planète ou de la soldatesque à ses pieds. Ce talent pour la communication, il le tient de sa mère, une danseuse d’origine nipponne au regard espiègle et grand amour du « cher dirigeant » Kim Jong-il, à qui il a succédé en 2011. Un lourd secret de famille car le Japon, ancienne puissance coloniale, est « l’ennemi » absolu du régime. Kim n’a pu donc offrir qu’une discrète tombe à sa mère, nichée aux environs de Pyongyang.
ÉLEVÉ COMME UN PRINCE
Ce fils cadet a appris le culte du secret dès son adolescence cachée en Suisse, à Berne, où il est élevé par sa tante, se faisant passer pour le fils du chauffeur de l’ambassade. Là-bas, Jong-un apprend le berndeutsch, le dialecte local, joue au basket avec le maillot de Michael Jordan, son idole, et découvre les joies de l’appenzeller. Il est élevé comme un « prince » , sillonnant la Côte d’Azur et ses palaces sous un faux passeport. Ce fumeur et sérieux buveur a un penchant pour la bonne chère, et son poids a bondi jusqu’à 130 kilos, menaçant une santé chancelante.
SON ATOUT GLAMOUR : SA FEMME RI SOL-JU
Il dirige ses 24 millions de sujets depuis son bureau, situé à deux pas de la place Kim-Il-sung, au coeur de Pyongyang, dont l’adresse reste camouflée par le régime, et relié à sa résidence luxueuse par un souterrain pour se prémunir d’une frappe américaine. Sa soeur cadette Kim Yo-jong est la cheville ouvrière de cette tour de contrôle. « Ils n’ont plus ni père ou mère, alors Kim s’appuie sur elle sur le plan psychologique et politique » juge Cheong Seong-chang, expert au Sejong Institute. La jeune trentenaire joue les secrétaires de luxe en public mais, en coulisses, elle sculpte l’image d’un dirigeant « proche du peuple ». Pour séduire les élites de la capitale, en quête de meilleures conditions de vie, Kim s’appuie sur un atout glamour : sa femme Ri Sol-ju, une ancienne star de la chanson qui s’affiche à la dernière mode de Pyongyang, un sac de style Dior à la main. La propagande met en scène cette « première dame », fille de militaire au look étudié et qui a déjà offert au moins une petite fille au clan des Kim. De quoi donner le change à Melania Trump, le jour où elle franchira le seuil de la Maison-Blanche à l’invitation du Président américain. ■
Sébastien Falletti vient de publier La Piste Kim. Voyage au coeur de la Corée du Nord, Equateurs, 300 p., 20 €.