LES BIFFINS DE L’IVRESSE
DES HEURES HEUREUSES, de Christian Authier, Flammarion, 269 p., 19 €.
Des heures heureuses, c’est ce qu’entend connaître un jeune homme bien né et assez solitaire ne sachant que faire de sa vie. Un jour qu’il écoute à la radio un journaliste évoquant le « vin naturel » avec des trémolos dans la voix, sa curiosité le pousse à goûter ces nectars étranges dont les adeptes ressemblent aux membres d’une secte. De cavistes semiclandestins en bars pour initiés où se mélangent anarchistes et royalistes unis par une même passion, il rencontre Robert, flamboyant quinquagénaire, agent en vins nature, exégète de la biodynamie et intime des meilleurs vignerons. Le jeune homme devient son bras droit et, au cours d’un apprentissage riche en rebondissements, découvre le métier. Il s’agit de vendre les précieux flacons à des clients qui se répartissent en quatre familles : « Le néophyte complet, celui qui n’y connaît pas grand-chose de plus mais qui veut en avoir l’air, celui qui aime vraiment ces vins et enfin le spécialiste. » Pour cela, on emploiera les mots magiques :
« tannique », « corsé », « belle minéralité », « belle acidité », « profondeur », « finesse »,
« levures indigènes », « léger perlant », sans oublier de dérouler dans les moindres détails la vie du vigneron, généralement ancien banquier reconverti dans l’amour de la terre… Gouleyant roman initiatique d’un genre nouveau, Des heures
heureuses est aussi, derrière ses allures naïves, un livre gentiment subversif dans lequel l’auteur ne manque pas d’épingler les âneries de l’époque dont une déprimante mondialisation. Amateur de Blondin, c’est surtout Perret qu’Authier évoque ici : ses biffins à lui ont quitté Gonesse pour le Bordelais. Ce n’était pas une mauvaise idée.