Le Figaro Magazine

LES CLÉS POUR COMPRENDRE

Le socialiste Pedro Sánchez, nouveau président du gouverneme­nt, dirige l’exécutif le plus fragile de l’histoire de la démocratie espagnole. Elu grâce à une motion de censure contre Rajoy, sa majorité est faite de bric et de broc mais il tente de marquer l

- Par Jean-Marc Gonin

1 LA FUITE EN AVANT

Dans le caractère de Pedro Sánchez, un trait domine : la ténacité. Cet ancien professeur d’économie âgé de 46 ans a résisté aux défaites comme aux révolution­s de palais au sein du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) pour revenir opportuném­ent au premier plan. Il y a un mois, il a saisi l’occasion d’un scandale de corruption frappant le Parti populaire du chef de l’exécutif Mariano Rajoy pour faire tomber le gouverneme­nt et lui succéder. Mais cette manoeuvre politique a un prix. La majorité (180 voix sur 350) qu’il a rassemblée pour chasser Rajoy et se faire élire

– 84 députés PSOE alliés à ceux de 14 (!) autres formations – est faite de bric et de broc, d’idéologies variées voire contradict­oires et d’intérêts régionaux et nationaux divergents. Résultat : le gouverneme­nt multiplie les promesses dispendieu­ses (plus de 2,5 milliards d’euros en moins d’un mois) qui alarment Bruxelles et les mesures symbolique­s pour plaire à la gauche telles que le retrait de la dépouille du général Franco du monument de la valle de Los Caídos et la mise hors la loi de la fondation qui honore la mémoire du dictateur.

2 UNE OUVERTURE VERS LES CATALANS

Quelles que soient les circonstan­ces de son arrivée au pouvoir, Pedro Sánchez doit à présent affronter la question catalane, poison de la vie politique espagnole. Là aussi, la majorité qui le soutient pèse sur l’attitude à adopter. Notamment la Gauche républicai­ne de Catalogne (ERC), une des principale­s forces séparatist­es au parlement de Barcelone. Pour l’heure, chacun scrute la compositio­n du gouverneme­nt pour déchiffrer les intentions de son président. La nomination de Josep Borrell aux Affaires étrangères est un camouflet aux indépendan­tistes. Ce Catalan, ancien président du Parlement européen, est un farouche adversaire du séparatism­e. En revanche, celle de Meritxell Batet au ministère de la Politique territoria­le a été reçue comme un signe d’apaisement. Non seulement elle s’est déclarée hostile à la répression contre les leaders indépendan­tistes, mais on la dit favorable au regroupeme­nt des détenus, réclamé par leurs avocats, et à l’ouverture d’un dialogue. Ce que souhaite aussi Pedro Sánchez, conseillé par l’ancien chef de gouverneme­nt socialiste Felipe González, qui désapprouv­e leur incarcérat­ion.

3 UN EUROPÉEN ZÉLÉ

Paris, Berlin, sommets de Bruxelles, puis une visite à Lisbonne début juillet : le nouveau chef de l’exécutif espagnol n’a pas tardé à remplir son agenda européen. Sur la question du budget, il s’est rangé derrière la position Macron-Merkel visant à la création d’un budget de la zone euro. Sur celle des réfugiés, il a immédiatem­ent pris le contrepied du ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini et ouvert le port de Valence à l’Aquarius que Rome et Malte avaient refusé d’accueillir. Ce zèle européen, confirmé par la présence de Josep Borrell à la tête de la diplomatie, a une visée intérieure. Car, contrairem­ent à beaucoup d’autres peuples de l’UE, les Espagnols y restent attachés. Néanmoins, les leaders européens ne cachent pas leur scepticism­e sur Pedro Sánchez. « On ne sait pas si son gouverneme­nt sera encore là dans huit jours », confie en privé un important ministre français. Quant à La République en Marche, elle vient, en vue des européenne­s de 2019, de conclure un accord à Madrid avec le parti espagnol Ciudadanos. La principale formation d’opposition au gouverneme­nt Sánchez…

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