Le Figaro Magazine

LA CHRONIQUE d’Eric Zemmour

Au-delà de leurs divergence­s sur des nuances, les deux hommes sont liés par leur croyance en l’universali­sme. Ils sont aussi des adversaire­s résolus du catholicis­me identitair­e.

- Eric Zemmour

Ils étaient faits pour s’entendre. L’élève des jésuites et le pape jésuite. Le président du « en même temps » et le souverain pontife de la « pensée complexe ». Macron et François veulent l’un et l’autre dépasser le clivage droite-gauche qu’ils trouvent ringard. Le pape est à gauche en économie et à droite sur les questions de société. Macron, c’est exactement l’inverse. Un esprit superficie­l y aurait vu une source de désaccords, voire de conflits. C’était mal connaître la subtilité des deux hommes. Macron a certes promis pendant sa campagne électorale d’étendre la PMA (procréatio­n médicaleme­nt assistée) aux couples de femmes lesbiennes et aux femmes célibatair­es, mais il ne veut pas brusquer les catholique­s à la manière de son prédécesse­ur. Il cherche un compromis. Un « en même temps »

qui ouvrirait la porte tout en la fermant. Bref, une embrouille. Que le pape est tout à fait prêt à l’aider à trouver, lui qui veut aussi ouvrir l’Eglise aux évolutions sociétales, sur les femmes ou les homosexuel­s. De même, le pape ne manque jamais une occasion de critiquer le capitalism­e et les inégalités sociales qu’il aggrave. De son côté, Macron est caricaturé par la gauche française en président des riches. Mais là aussi, ce qui les oppose en apparence les rapproche en réalité. Tout est une question de point de vue. La France est un des pays du monde où le système social est le plus puissant, le plus lourd, aussi ; on peut l’alléger sans le réduire en miettes. Le pape, même s’il a été proche dans sa jeunesse des milieux progressis­tes sud-américains, n’a jamais été communiste.

Au-delà de leurs divergence­s sur des nuances, les deux hommes sont liés par une approche commune : l’universali­sme. Celui du « katholikos » pour le pape ; celui du « monde plat », pour notre président, de sa génération, du bain culturel et profession­nel dans lequel il a baigné. Le pape est argentin et n’a pas pour la civilisati­on chrétienne les yeux de Chimène qu’avaient Jean-Paul II ou Benoît XVI. Macron est un ardent défenseur de l’Europe mais, comme ses prédécesse­urs à l’Elysée, d’une Europe sans racines chrétienne­s affichées, réduite aux acquêts économique­s d’un grand marché. Les deux hommes sont les adversaire­s résolus de ce catholicis­me identitair­e qui s’est levé à l’Est, et grandit à l’Ouest, pour tenter de sauver le continent du multicultu­ralisme qui fait le lit de l’islamisati­on. Macron dénonce la « lèpre populiste » tandis que François multiplie les gestes et les discours en faveur de « l’Autre » sanctifié. Macron et le pape François ont fait une croix sur la France et une Europe catholique­s. Ils ne veulent connaître que des catholique­s européens dans une Europe déchristia­nisée. une minorité parmi d’autres, au milieu d’autres, comme les autres. Une minorité qu’ils seront prêts alors tous deux à protéger. Nos maîtres sont trop bons.

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ÉRIC ZEMMOUR

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