Le Figaro Magazine

LE THÉÂTRE de Philippe Tesson

Au Théâtre Montparnas­se, un délicieux « Fil à la patte », plus proche de la comédie que du vaudeville, simple, vif et jeune.

- LE THÉÂTRE DE PHILIPPE TESSON

Contrairem­ent à la légende et aux apparences que peuvent donner la légèreté et la vivacité de son théâtre, Feydeau travaillai­t souvent très lentement. On y pensait une fois de plus en voyant Un fil à la patte, un vrai spectacle d’été, que propose opportuném­ent le Théâtre Montparnas­se dans une excellente mise en scène de Christophe Lidon. Dans sa constructi­on, dans son invention, dans son écriture, la pièce est un petit chef-d’oeuvre qui ne laisse rien au hasard, et l’on comprend que l’auteur ait passé quatre années à la mettre au point, au terme d’un labeur très scrupuleux. On comprend également le succès qu’elle eut depuis sa création en 1894. On comprend enfin que Feydeau la défendit avec un soin très particulie­r en la publiant comme une « comédie » et non comme un « vaudeville ». C’est en effet une authentiqu­e comédie, à la fois de moeurs, de caractères et de situations. L’auteur nous a livré sa méthode : « En arrangeant les folies qui déchaînero­nt l’hilarité du public, je n’en suis pas égayé, je garde le sérieux, le sang-froid du chimiste qui dose un médicament. J’introduis dans ma pilule un gramme d’imbroglio, un gramme de libertinag­e, un gramme d’observatio­n. » Une comédie totale, à la fois de son temps et universell­e. On a beaucoup aimé le spectacle de Christophe Lidon, parce qu’il est simple et vrai. Ce n’est pas un spectacle à effets, on n’est pas à la Comédie-Française ni chez Jérôme Deschamps, ce qui n’exclut pas une honorable scénograph­ie, des costumes très agréables et une utilisatio­n ingénieuse de la vidéo, ce qui est assez rare. Dix comédiens suffisent à peupler la scène et à l’animer dans le mouvement frénétique inventé par Feydeau. Collective­ment, ils sont tout à fait dans l’esprit joyeux de l’oeuvre, et en même temps chacun donne à son rôle une couleur originale. Marc Fayet n’a pas besoin d’être shakespear­ien, comme disait Jean- Jacques Gautier de Robert Hirsch, pour faire de Bouzin un merveilleu­x clown triste. Bernard Malaka compose un général exotique irrésistib­le. Jean- Pierre Michaël a beaucoup de charme. Christelle Reboul, qui alterne avec Noémie Elbaz dans le rôle de Lucette, est délicieuse. Bref, tous sont dans la sincérité, la franchise et la fraîcheur. La mise en scène de Lidon est précise et discrète. Elle est dans le ton juste, c’est-à-dire le ton de la comédie plutôt que celui du vaudeville, ainsi que le souhaitait Feydeau. Elle évite la vulgarité et l’hystérie. La salle est aux anges. Un fil à la patte, de Georges Feydeau. Mise en scène de Christophe Lidon, avec M. Fayet, J.-P. Michaël… Théâtre Montparnas­se (01.43.22.77.74).

“Un spectacle simple et vrai ”

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