L’AUTOMOBILE SOUS HAUTE TENSION
La voiture du futur sera électrifiée ou ne sera pas.Contraints de respecter des normes environnementales considérablement sévérisées, la majorité des constructeurs font le pari de recourir à un moteur électrique pour assurer sa propulsion, moteur qu’ils u
Les ventes de voitures électriques et hybrides ont décollé l’an dernier pour dépasser le million d’unités dans le monde. Cette croissance est essentiellement portée par la Chine qui a fait de l’électrification des transports une priorité. Officiellement, il s’agit de lutter contre la pollution de l’air. Accessoirement, l’Empire du Milieu en profite pour accroître son indépendance énergétique en consommant du charbon et des terres rares extraits de ses mines, plutôt que des carburants fossiles importés. En vérité, l’histoire démontre que le succès de l’électromobilité est largement tributaire des subventions qui lui sont accordées. Mais, à la faveur de la sévérisation des normes antipollution, la donne pourrait bien changer.
LA RÉDUCTION DU CO2, L’ENJEU PRINCIPAL
L’industrie automobile s’est vu fixer, par la Commission européenne, un objectif difficile à atteindre. D’ici à trois ans, il faudra que la moyenne des émissions de CO2 des gammes des constructeurs ne dépasse pas 95 g/km, sous peine de très lourdes sanctions financières. Les marques s’y étaient naturellement préparées, mais elles ne pouvaient imaginer le « dieselgate » qui allait leur compliquer la tâche. Si un moteur diesel pollue plus qu’un moteur essence, il émet par contre moins de CO2 qui n’est pas un polluant mais un gaz à effet de serre contribuant au réchauffement climatique. De fait, la mise au ban du moteur diesel a entraîné une hausse inattendue des émissions de CO2. Les constructeurs s’efforcent aujourd’hui de la compenser. La pile à combustible fonctionnant à l’hydrogène et les carburants de synthèse étant encore à court de développement, la propulsion électrique est apparue comme leur unique planche de salut.
Un processus d’électrification de masse a donc été lancé. Il était d’autant plus nécessaire que la Commission européenne projette déjà de réduire encore la moyenne des émissions de CO2 de 30 % entre 2021 et 2030. Carlos Tavares, président du directoire du Groupe PSA et de l’Acea, l’Association des constructeurs européens d’automobiles, s’en est récemment inquiété en déclarant : « Cette proposition nécessiterait de passer brutalement de 1 % des ventes ( de véhicules électriques) aujourd’hui à 30 % en l’espace de moins de douze ans. » Et l’Acea d’ajouter que le prix élevé d’une voiture rechargeable électriquement reste un obstacle majeur pour de nombreux Européens. Elle coûterait en effet un tiers plus cher qu’une voiture à moteur thermique. C’est d’ailleurs, avec une autonomie réduite, l’un des principaux freins à son développement. Un récent rapport publié par l’agence Bloomberg prétend que cet écart de prix va rapidement se réduire. L’étude démontre que, si les batteries représentent aujourd’hui 42 % du coût économique d’une voiture électrique, ce chiffre tombera à 27 % en 2024, et 18 % en 2030.
LES VISAGES MULTIPLES DE L’HYBRIDATION
En attendant, l’automobiliste lambda va déjà profiter d’une généralisation de l’hybridation. En mariant le traditionnel moteur thermique avec une machine électrique d’appoint, ce dernier peut l’assister durant les phases de démarrage et d’accélération, qui sont les plus voraces en carburant. Les équipementiers ont d’ores et déjà plusieurs solutions pour assurer cette hybridation dite légère ( mild hybrid), toutes fonctionnant sous 48 volts. Le gain en consommation est limité à 10 %, mais le surcoût inférieur au millier d’euros apparaît raisonnable. Un moteur essence équipé de cette solution n’est ainsi pas plus cher qu’un diesel, tandis que sa consommation, notamment en ville, s’en approche. En augmentant la taille du moteur électrique et la capacité de la batterie, on accède ensuite au « full hybrid » ou hybride complet, dont Toyota fut le grand initiateur avec la première Prius lancée en 1997. A ce niveau d’hybridation, il n’y a toujours pas de prise à brancher, pas de batterie à recharger, la régénération s’effectuant durant le freinage. L’autonomie en mode électrique est limitée à 1 ou 2 kilomètres, mais l’assistance procurée au moteur thermique autorise déjà une réduction de la consommation de 20 % en ville.
Pour circuler plus longtemps en électrique et espérer accéder aux centres-villes qui seront un jour interdits aux voitures à moteur thermique, il faut passer à l’hybride rechargeable ou PHEV qui embarque un accumulateur d’une capacité supérieure et se recharge sur le secteur. L’autonomie électrique varie alors entre 20 et 50 kilomètres. Le propriétaire d’un modèle de ce type peut ainsi espérer se rendre à son travail en électrique la semaine, tout en conservant l’autonomie et la souplesse d’utilisation d’une voiture à moteur thermique le week-end. Le meilleur des deux mondes, en somme. Là encore, une fois la capacité de la batterie épuisée, la consommation à haute vitesse redevient celle d’une voiture ordinaire, et le surcoût s’avère très élevé, de l’ordre de 10 000 euros. Certains experts estiment d’ailleurs que, lorsque la voiture électrique sera arrivée à maturité, les jours de l’hybride rechargeable seront comptés. Les récentes annonces par les constructeurs premiums promettent le lancement de dizaines de modèles purement électriques durant les cinq années à venir. Il n’est alors plus question de décliner une version électrique d’un modèle existant mais de proposer des plates-formes dédiées que les stylistes se feront un plaisir d’exploiter. Avec un moteur électrique très compact et des batteries logées dans le plancher, l’architecture change et l’habitabilité va en effet effectuer un réel bond en avant. Outre le pionnier Tesla, d’autres acteurs se sont déclarés intéressés, tel Dyson, le grand spécialiste des aspirateurs, qui dit vouloir commercialiser sa première voiture électrique en 2020.
La révolution électrique est donc en marche mais elle n’est pas sans engendrer des interrogations. Le réseau de bornes de recharge rapide, indispensable à son développement, sera-t-il déployé à temps ? Les centrales parviendront- elles à faire face à l’accroissement des besoins en énergie ? Quid des conditions d’extraction du lithium et du traitement des terres rares ? Se pose aussi la question du recyclage des batteries. Les promoteurs du tout-électrique projettent de leur offrir une deuxième vie en les utilisant pour stocker l’énergie renouvelable et celle produite en heures creuses. Dans les scénarios les plus optimistes, la voiture deviendrait même source d’énergie. A l’arrêt, elle pourrait réinjecter dans le réseau l’énergie électrique qu’elle a stockée et ainsi compenser une éventuelle faiblesse de la fourniture. Et si l’avenir de l’automobile était moins sombre qu’on ne l’imagine ? ■
À PETITE OU À FORTE DOSE, L’ÉLECTRICITÉ S’IMPOSE COMME LE DÉNOMINATEUR COMMUN DE L’AUTOMOBILE