L’ÉDITORIAL de Guillaume Roquette
On vit une époque formidable. Après avoir augmenté les taxes sur les carburants, le gouvernement va maintenant créer des aides pour aider les Français à faire le plein, avec tout ce qu’il faudra de niches, de plafonds et autres effets de seuil. Nous sommes vraiment les champions du monde des usines à gaz : encore un peu de patience et on nous annoncera un nouvel impôt pour financer les subventions qui permettent de supporter la hausse des taxes.
Personne n’est dupe. Quels que soient les prétextes invoqués (réchauffement climatique, santé publique, transition écologique…), l’objectif de l’Etat est toujours le même : augmenter ses recettes. En l’occurrence 6,5 milliards supplémentaires en deux ans. Emmanuel Macron a d’ailleurs vendu la mèche en expliquant qu’il « fallait moins taxer le travail et davantage taxer ce qui pollue », bref, compenser la baisse bienvenue des charges sur les salaires par une hausse de la fiscalité sur les carburants. L’idée qu’on puisse compenser une baisse de recettes par une diminution à due proportion de la dépense publique n’est apparemment venue à l’esprit de personne.
Les automobilistes ne semblent en tout cas guère émus par le discours officiel sur la pollution, et peut-être n’ontils pas tort. Bien sûr, on peut encore améliorer les choses pour atteindre des normes environnementales de plus en plus sévères, mais il n’empêche que la qualité de l’air s’améliore depuis plusieurs années. Et c’est valable même en Ile-de-France. « Globalement, les Franciliens respirent mieux aujourd’hui qu’hier. » Qui le dit ? Pas le syndicat des producteurs de gasoil ni un méchant climatosceptique, mais l’organisme officiel chargé de surveiller la pollution en région parisienne, Airparif, dans son rapport annuel publié il y a quelques jours et passé sous silence par les médias. Bien sûr, le bilan serait encore meilleur si tout le monde roulait à bicyclette, si les propriétaires des 20 millions de voitures diesel changeaient de véhicule ou si on se chauffait à l’énergie solaire au lieu du fioul, mais c’est simplement impossible.
La volonté de changer les comportements des gens par la réglementation ou la taxation n’est pas nouvelle. La liste des produits concernés tient de l’inventaire à la Prévert : véhicules émettant du CO2, boissons trop sucrées, déchets ménagers, films pornographiques, grosses successions, lessives et assouplissants, loyers élevés de petites surfaces… sans oublier bien sûr l’alcool, le tabac et le carburant. A chaque fois, l’Etat entend décréter à la place des citoyens ce qui est bon pour eux. Comme si ces derniers n’étaient pas assez responsables pour décider comme des grands. La leçon des pères de la révolution américaine est bien oubliée : ces inventeurs de la démocratie moderne proclamaient solennellement en 1776 que l’individu est apte à se forger le destin qu’il s’est choisi et à rechercher son bonheur. Leurs lointains successeurs avaient oublié cette sage devise quand ils se mirent en tête, dans les années 1920, d’empêcher les Américains de consommer de l’alcool. Cela s’appelait la prohibition, et on a vu le résultat.