LES CLÉS POUR COMPRENDRE
En décrétant l’Otan en état de « mort cérébrale », Emmanuel Macron a dessiné les prémices d’un débat houleux au prochain sommet début décembre.
1LA “GRENADE” D’EMMANUEL MACRON
L’Otan est en état de « mort cérébrale ». Si Emmanuel Macron avait l’intention de choquer les esprits avec cette expression livrée à l’hebdomadaire britannique The Economist, il a réussi au-delà de toute espérance. Une provocation voulue essentiellement pour deux raisons. La première tient à l’attitude désinvolte de Donald Trump vis-à-vis de ses alliés. En retirant ses troupes de Syrie sans informer ses partenaires de l’Otan, il a mis les forces françaises dans la région en difficulté et ouvert la voie à une intervention de la Turquie, membre de l’Otan elle aussi, en territoire syrien. La seconde tient plus généralement aux bouleversements du monde. Emmanuel Macron estime que les Etats-Unis se désengagent de l’Europe, que ce repli n’a pas commencé avec Trump et qu’il ne s’arrêtera pas avec lui. Simultanément, la Russie défend ses intérêts de manière agressive, y compris en utilisant ses forces armées. Enfin, la rivalité avec la Chine, devenue puissance commerciale, technologique et militaire, focalise l’attention des Etats-Unis et relègue le Vieux Continent loin derrière sur la liste des priorités. Pour le président français, la combinaison de ces facteurs exige une révision politique et stratégique de l’Alliance atlantique.
2DONALD TRUMP, LE DYNAMITEUR ATLANTIQUE
Lors des deux précédents sommets de l’Otan, Donald Trump avait malmené ses 28 partenaires, notamment pour qu’ils respectent (enfin) l’objectif des 2 % de leur PIB consacrés à la défense (3,2 % aux USA). Certes, il n’était pas le premier à réclamer que cet engagement soit tenu. Mais il l’a fait avec son agressivité coutumière. Et non sans avoir dit auparavant que l’Otan était « obsolète ». Elu sur le slogan « America First », Donald Trump avait donné l’impression à ses partenaires qu’il l’appliquerait à la sécurité de l’Europe.
Organisé à Londres les 3 et 4 décembre, le prochain sommet, où l’on célébrera les 70 ans de l’Otan, s’annonce donc agité. Entre le Brexit (qui ne concerne pas cette organisation, mais qui éloigne le Royaume-Uni des autres Européens) et les violents propos du président français, on se demande de quel communiqué final il accouchera. Le secrétaire d’Etat Mike Pompeo, des parlementaires de Washington et les plus hauts gradés du Pentagone ont eu beau réitérer l’attachement des EtatsUnis à l’Otan, Donald Trump, déjà en campagne électorale, est capable d’utiliser les propos de Macron pour approfondir encore les discordes.
3LA CHIMÈRE
D’UNE DÉFENSE EUROPÉENNE
En Europe, la provocation macronienne a été plutôt mal accueillie. Principale cible, l’Allemagne a vite répondu par la voix d’Angela Merkel : « Une telle attaque tous azimuts n‘est pas nécessaire même si nous devons surmonter nos dissensions. » Pour la chancelière, l’Otan reste la clé de voûte de la sécurité allemande. Néanmoins, Annegret KrampKarrenbauer, ministre de la Défense et dauphine d’Angela Merkel, a déclaré que l’Allemagne atteindrait l’objectif des 2 % du PIB en… 2031 et devrait définir ses intérêts stratégiques. Demander onze ans de patience à Washington, c’est beaucoup pour l’intempérance de Trump.
Berlin ne montre pas plus d’entrain pour une défense européenne stricto sensu. Au-delà même de la faisabilité d’une telle initiative, l’Allemagne tient au parapluie américain. Comme les Polonais et les Baltes, inquiets face au voisin russe. Le sommet de Londres dira si Emmanuel Macron a réveillé l’organisation politicomilitaire ou s’il a encore approfondi les divergences. Mais le président français a déjà fait des heureux. Le ministère russe des Affaires étrangères a déclaré que Macron avait « parlé d’or » avec des mots qui donnent « une définition précise de l’état de l’Otan »…