Le Figaro Magazine

SAINES LECTURES

- NOUS VIVONS UNE ÉPOQUE FORMIDABLE, PAR NICOLAS UNGEMUTH

Il était si laid qu’à sa naissance, sa mère l’a giflé », a écrit Léautaud (une version plus contempora­ine dit : « Elle était tellement vilaine qu’enfant, il fallait lui accrocher des saucisses autour des oreilles pour que le chien accepte de jouer avec elle. »). L’atrabilair­e de Fontenay-aux-Roses aimait Stendhal, Bossuet, Molière, Chamfort, La Bruyère et évidemment, Louis de Rouvroy de Saint-Simon, le duc de la méchanceté. Pour ceux, paresseux et timorés, qui n’oseraient pas se lancer dans la lecture de ses imposants Mémoires, la maison Payot a eu l’idée de compiler certaines de ses saillies les plus jouissives *, et c’est autre chose que Charline Vanhoenack­er ou Stéphane Guillon : sous Louis XIV, on savait s’amuser. « Quoiqu’elle ne fût pas vieille, les grâces et la beauté s’étaient tournées en gratte-cul […] Sale, malpropre […] toujours basse comme l’herbe, ou sur l’arc-en-ciel, selon ceux à qui elle avait affaire. Elle […] mettait au désespoir ceux chez qui elle allait dîner, parce qu’elle ne se faisait faute de ses commodités au sortir de table […] et salissait le chemin d’une effroyable traînée » ; « Elle était franche héritière, c’est-à-dire riche, laide, maussade » ; « C’était une manière d’éléphant pour la figure, une espèce de boeuf pour l’esprit » ; « Un extérieur vilain et même dégoûtant, toute l’encolure d’un maître à écrire, et toujours mis comme s’il l’eut été » ; « Un gros garçon court, joufflu, pâle, qui avec force bourgeons ne ressemblai­t pas mal à un abcès ».

On dira ce qu’on voudra, l’Ancien Régime, c’était le bon temps…

* Les Sautes d’humour de monsieur de Saint-Simon, 107 p., 13,50 €.

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