UN MONDE QUI S’ENFUIT
★★★ NOUS AUTRES, de Jean-Pierre Montal, Pierre-Guillaume de Roux, 224 p., 18 €.
Après un récit consacré à Maurice Ronet et deux romans remarquables, Jean-Pierre Montal publie un recueil de nouvelles témoignant de la variété de ses inspirations. On retrouve dans Nous autres le cocktail de nostalgie, de mélancolie et d’ironie désenchantée qui faisait le prix des livres précédents, on retrouve encore des mots de passe charriés par le rock ou le cinéma, mais ces dix histoires réussissent à surprendre. Dans La fin du monde tombe un 1er mai, un ingénieur du son ayant travaillé sur le tube humanitaire SOS Ethiopie croise le regard d’un certain Philippe Muray. 25 bis, rue Jenner nous entraîne sur les traces de Jean-Pierre Melville. Dans En marge, un écrivain découvre un exemplaire soldé de son roman copieusement annoté par un lecteur sarcastique et se lance à la recherche de ce dernier… Montal use de l’humour comme d’une arme de précision, épingle les tics et les attitudes d’une époque, lorgne sur l’étrange et le dérèglement du quotidien. Des morceaux de passé remontent à la surface, ressuscitent des disparus. Des personnages passent d’une nouvelle à l’autre. Certains tentent de fuir, d’échapper aux contingences absurdes de la vie sociale. La réussite est loin d’être garantie. A travers ces destins qui « mêlent si intimement le grotesque et le tragique, l’absurdité et la tristesse », Nous autres fait entendre la voix singulière d’un véritable écrivain.