Le Figaro Magazine

QUE JEUNESSE SE PASSE…

★★★★ SAMEDI SOIR DIMANCHE MATIN, d’Allan Sillitoe, L’Echappée, 282 p., 20 €. Traduit de l’anglais par Henri Delgove.

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Samedi soir dimanche matin n’est pas seulement – avec Lucky Jim de Kingsley Amis – l’un des livres phares des Angry

Young Men, ces écrivains britanniqu­es apparus à la fin des années 1950 pour dépoussiér­er brutalemen­t la littératur­e locale, c’est aussi une référence dans la culture pop anglaise : Madness, The Specials ou Morrissey lui ont rendu des hommages appuyés, et la fameuse phrase « Quoi que vous disiez que je suis, je ne le suis pas » a donné son titre à un album des Arctic Monkeys. On comprend pourquoi : le livre est un chefd’oeuvre de réalisme à la fois gai, tendre et sordide. Il raconte le quotidien du jeune Arthur Seaton à Nottingham, dans les Midlands. Arthur, 21 ans, vit chez ses parents. Il travaille dans une usine de bicyclette­s et dépense sa paie en costumes sur mesure, le reste partant au pub où il se réfugie chaque week-end. Le dandy ouvrier est un joyeux matamore qui couche avec des femmes mariées – l’une d’entre elles avortera avec un mélange de gin et d’eau bouillante – et aime bien se bagarrer : c’est Alfie chez les prolos. De temps à autre, il aime tirer avec une carabine à plomb sur une grosse voisine portée sur le commérage. Le comporteme­nt de la tête brûlée ne va pas tarder à lui attirer des ennuis, jusqu’à ce qu’une forme de sagesse l’emporte. Manifeste d’une jeunesse d’après-guerre, le livre de Sillitoe (adapté par Karel Reisz à l’écran en 1960 avec un jeune Albert Finney extraordin­aire dans le rôle principal) n’a pas pris une ride soixante ans après sa sortie. Indisponib­le en France depuis trois décennies, il ressort enfin et sa puissance est intacte : les tribulatio­ns du jeune Seaton, double de l’auteur, qui sortait là son premier roman, ne sont pas près d’être oubliées.

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