LES INNOVATIONS FUSENT, LES SUCCÈS SUIVENT
En France, le whisky représente environ 40 % de la consommation des spiritueux avec, chez les connaisseurs, une nette préférence pour les malts écossais et japonais, voire les whiskeys américains (bourbons). Le phénomène des microdistilleries de whisky qui ouvrent dans le monde, et notamment en France, ne faiblit pas.
Renaissance du malt irlandais, fûts de finition, traçabilité, développement durable… Autant d’inclinations des consommateurs commentées par un expert, Matthieu Acar. Responsable de & Fine Spirits, boutique de La Maison du Whisky (LMDW) dédiée aux spiritueux (whisky, cognac, rhum, gin, armagnac…) située au 6 carrefour de l’Odéon, à Paris, il est aux premières loges des tendances et des innovations (premier whisky au monde créé par Intelligence Artificielle en Suède) dans l’univers de tous les spiritueux. La vague des microdistilleries de whisky ou craft distilleries (distilleries artisanales) ne faiblit pas. Au Danemark, Stauning commence à faire parler d’elle. « Diageo, numéro 1 des spiritueux, vient de prendre des parts dans cette distillerie très intéressante côté expérimental, assure Matthieu Acar. Elle réalise un travail sur des fûts inattendus, sur des seigles fumés à la bruyère… Un whisky de seigle en fût de rhum c’est assez rare. » Selon lui, les deux territoires les plus innovants restent cependant la Suède et la France ! Fondée en 2013, The Milk & Honey, première distillerie israélienne, ne vendait que du aged malt spirit (malt qui n’a pas encore vieilli les trois ans obligatoires pour avoir le droit de s’appeler « whisky »). Lorsqu’elle a lancé son premier single malt (whisky produit uniquement à partir d’orge maltée, issu d’une seule distillerie), il est parti aux enchères en quelques minutes !
Mais depuis le dernier salon Whisky Live, la distillerie le commercialise enfin auprès du grand public français. « Son succès vient du fait qu’elle a bénéficié des conseils de Jim Swan, consultant mondialement connu, décédé en 2017. » Celui qu’on surnommait « l’Einstein du whisky » avait notamment conseillé la première distillerie bretonne, Warenghem (whisky Armorik) et la distillerie thaïlandaise Kavalan, deux maisons dont la réputation des whiskys n’est plus à faire. Milk and Honey se distingue également par sa
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du fût, chaque année) très intense, qui influe sur le vieillissement. « En Allemagne, les brasseurs sont légion : il leur suffit d’élaborer une bière sans houblon, de la distiller et de la mettre en fût pendant trois ans pour obtenir un ou deux fûts de whisky. Mais avec 80 producteurs, cela représente moins qu’une seule distillerie écossaise en termes de volume. »
LA RENAISSANCE DU WHISKY IRLANDAIS
Au XIXe siècle, l’Irlande comptait une centaine de distilleries. « C’est une histoire tragique, rappelle Matthieu Acar. Au XXe siècle, le pays subit les guerres mondiales, celle contre les Anglais, les mouvements dits de tempérance voulant imposer l’abstinence et l’interdiction de l’alcool, la prohibition aux Etats-Unis, premier marché des whiskeys irlandais. De plus, les Américains se mettent à produire des alcools de très mauvaise qualité sur lesquels ils inscrivent « Irish Whiskey », ce qui va considérablement affecter l’image du whiskey irlandais. Le pays va, en cent ans, passer de N° 1 mondial du whiskey à petit pays producteur avec quatre distilleries en activité. » Mais depuis les années 2000, il s’en crée de nouvelles. Notons la réouverture de Teeling à Dublin après plus de cent vingt ans, la création de la distillerie Waterford dont le whisky biodynamique ne va pas tarder à être commercialisé en France. Selon les chiffres de l’Irish Spirits Association, en 2017, l’Irlande comptait 20 distilleries en activité, leur nombre ayant quintuplé par rapport aux quatre producteurs d’origine il y a quelques années encore. Vingt-six distilleries étaient en passe d’ouvrir ou en projet. Les Etats-Unis sont redevenus son premier marché.
WHISKYS DURABLES ET RESPONSABLES
Circuits courts, origine, protection de l’environnement… sont aujourd’hui au coeur des préoccupations des Français. Les spiritueux n’y coupent pas ! Comme le prouve le baromètre Ipsos pour le salon Whisky Live d’octobre dernier qui portait sur les tendances d’achat et de consommation des spiritueux. Les Millennials (population née entre 1980 et 2000) et leurs aînés (nés entre 1959 et 1979) le font savoir : 72 % déclarent être plus attentifs à l’origine des spiritueux (pays, région, terroir), 70 % accordent une plus grande importance à la dimension éthique, 59 % seraient prêts à payer plus cher un spiritueux qui répondrait à des engagements relatifs au développement durable et à la traçabilité. Sur l’île isolée d’Islay, en Ecosse, la distillerie indépendante Kilchoman fut, en plus de cent vingt-quatre ans, la première distillerie de l’île à se créer en 2005. Elle utilise son orge propre, cultivée à proximité (200 tonnes par an), dans les champs environnants. Anthony Wills, son fondateur, a entrepris de faire revivre la distillation à la ferme, une pratique disparue depuis la fin du XIXe siècle. De l’orge à la bouteille, le single malt est entièrement fabriqué sur place, ce qui réduit considérablement les temps de transports énergivores.
Fondée en 2007, à Melbourne, la distillerie australienne Starward s’est fait connaître par le style unique de ses whiskys et sa volonté de travailler en 100 % local. Elle maximise le vieillissement de ses malts dans d’anciens fûts de vin rouge australien.
Mackmyra Gravity Distillery en Suède est haute de 35 mètres afin que tout fonctionne par gravité. Ceci afin de consommer le moins d’énergie possible, de produire un whisky respectueux de l’environnement. Tous les ingrédients sont suédois (même le bois des fûts). Le processus de fabrication des whiskys se déroule de haut en bas, depuis l’arrivée des matières premières par le sommet, jusqu’à l’eau-de-vie prête à vieillir en fût
Sur l’île d’Islay, en Ecosse, la distillerie Kilchoman cultive son orge dans les champs voisins (200 tonnes par an)
et fait revivre la distillerie à la ferme