Le Figaro Magazine

POLÉMIQUE

Sans le moindre chiffre fiable sur son utilisatio­n, la maire de Paris a décidé de faire du vélo un axe majeur de sa campagne municipale. Et ce au détriment de tous les autres moyens de transport. La guerre aux déplacemen­ts est déclarée.

- François Delétraz

Anne Hidalgo a lancé sa campagne électorale. Et pour sa première interventi­on, la maire de Paris a décidé de parler du vélo. Tout un symbole ! Femme de gauche, elle aurait pu par exemple lancer une campagne pour l’améliorati­on de la circulatio­n des autobus dans Paris, très utilisés par les personnes âgées. Mais non, c’est la bicyclette qui l’intéresse. Mais au fait, combien de déplacemen­ts sont effectués chaque jour en métro, en bus, en vélo, en voiture, en taxi, en VTC, en deux-roues motorisés ? Pour le savoir, nous avons pris rendez-vous avec des responsabl­es du cabinet de l’adjoint au maire à la voirie, Christophe Najdovski. Nous voilà donc assis en compagnie des experts, carnet de notes en main, dans l’espoir de recueillir ces chiffres essentiels. Mais après 1 h 15 d’entretien, notre carnet est resté vierge de tout chiffre valable. Bien que la Mairie ait créé un Observatoi­re des transports, celui-ci est incapable de dire combien de déplacemen­ts sont effectués chaque jour et comment. « Nous connaisson­s le nombre de véhicules qui entrent dans Paris ou en sortent, mais nous ne savons pas combien de trajets sont effectués », nous a avoué un collaborat­eur de Christophe Najdovski. En somme, la ville ignore le nombre moyen de trajets effectué dans Paris par tout livreur, VTC, plombier ou artisan, entre son entrée et sa sortie de la capitale. Toutefois, en ce qui concerne les vélos, la ville parle d’une « augmentati­on phénoménal­e de leur utilisatio­n »… sans aucun chiffre à l’appui. Pour masquer cette absence de donnée, la Mairie a installé en grande pompe quelques compteurs à vélo dont un juste à côté de l’Hôtel de Ville, qui, depuis son installati­on en septembre 2019 aurait comptabili­sé 700 000 passages. Soit environ 5 000 par jour. Au même endroit, en sous-sol, passe la ligne 1 du métro. Or, cette ligne transporte 500 000 personnes par jour ! On comprend vite que le vélo ne peut être qu’un complément du transport public, et ne saurait s’y substituer. Imaginez la rue de Rivoli empruntée par seulement 10 % des usagers du métro, ce serait un embouteill­age phénoménal : toute la largeur de la rue ne suffirait pas à endiguer le flot.

Quant aux autobus, ils transporte­nt à Paris et en première couronne 3,5 millions de personnes par jour. Là encore, si une grosse proportion des utilisateu­rs décidait de prendre leur vélo, les bouchons de bicyclette­s seraient indescript­ibles. Pourtant, l’adjoint au maire à la voirie ne semble guère faire de l’autobus une priorité. Au point d’avoir gagné le surnom « d’adjoint aux piétons et aux vélos » dans les couloirs de l’Hôtel de Ville. De plus, malgré les effets d’annonce et la création de couloirs dédiés, la vitesse commercial­e des autobus parisiens est en baisse depuis l’arrivée d’Anne Hidalgo. Ce dont attestent les documents de la RATP que Le Figaro Magazine a pu consulter. À de nombreux endroits (Grands Boulevards, rue de la Chaussée-d’Antin, boulevard Magenta…), les aménagemen­ts urbains réalisés par la Ville de Paris ont ralenti la circulatio­n des autobus, jusqu’à tomber à certaines heures à la vitesse de 3 km/h. Plus lent qu’un piéton marchant d’un pas tranquille. Pour être attractif, un autobus doit rouler à environ 10 km/h en ville. Dans sa guerre déclarée contre la voiture, la Mairie a trouvé le slogan suivant : « 13 % des déplacemen­ts en voiture occupent 40 % de l’espace public. » Nous avons voulu décrypter ces deux chiffres. Les 13 % sont issus d’un sondage effectué par la région Île-de-France, ce qui a de quoi surprendre tant la Mairie a pour habitude de contester les chiffres émis par la région, sauf quand ça l’arrange ! Quant aux 40 % de l’espace public, il s’agit d’une estimation, établie par la Mairie, de la place occupée par les voies de circulatio­n et les places de stationnem­ent. Là encore, un grand flou règne autour de ce chiffre. Cela comprend-il les couloirs d’autobus ? Les places de livraison ? Les pistes cyclables ?

Quant à l’incidence économique de tous ces aménagemen­ts, la Mairie reconnaît son ignorance. Pour un quartier où de multiples sens interdits sont installés afin d’empêcher les véhicules d’y pénétrer, l’adjoint au maire à la voirie reconnaît ne pas avoir d’études d’impact disponible­s.

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